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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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après la Saint-Jean. La terre, dans sa plus grande parure,
était couverte d'herbe et de fleurs; les rossignols, presque à la
fin de leur ramage, semblaient se plaire à le renforcer; tous les
oiseaux, faisant en concert leurs adieux au printemps, chantaient
la naissance d'un beau jour d'été, d'un de ces jours qu'on ne voit
plus à mon âge, et qu'on n'a jamais vus dans le triste sol que
j'habite aujourd'hui.
    Je m'étais insensiblement éloigné de la ville, la chaleur
augmentait, et je me promenais sous des ombrages dans un vallon le
long d'un ruisseau. J'entends derrière moi des pas de chevaux et
des voix de filles, qui semblaient embarrassées, mais qui n'en
riaient pas de moins bon cœur. Je me retourne; on m'appelle par mon
nom; j'approche, je trouve deux jeunes personnes de ma
connaissance, mademoiselle de Graffenried et mademoiselle Galley,
qui, n'étant pas d'excellentes cavalières, ne savaient comment
forcer leurs chevaux à passer le ruisseau. Mademoiselle de
Graffenried était une jeune Bernoise fort aimable, qui, par quelque
folie de son âge ayant été jetée hors de son pays, avait imité
madame de Warens, chez qui je l'avais vue quelquefois; mais n'ayant
pas eu une pension comme elle, elle avait été trop heureuse de
s'attacher à mademoiselle Galley, qui, l'ayant prise en amitié,
avait engagé sa mère à la lui donner pour compagne jusqu'à ce qu'on
la pût placer de quelque façon. Mademoiselle Galley, d'un an plus
jeune qu'elle, était encore plus jolie; elle avait je ne sais quoi
de plus délicat, de plus fin; elle était en même temps très
mignonne et très formée, ce qui est pour une fille le plus beau
moment. Toutes deux s'aimaient tendrement, et leur bon caractère à
l'une et à l'autre ne pouvait qu'entretenir longtemps cette union,
si quelque amant ne venait pas la déranger. Elles me dirent
qu'elles allaient à Toune, vieux château appartenant à madame
Galley; elles implorèrent mon secours pour faire passer leurs
chevaux, n'en pouvant venir à bout elles seules. Je voulus fouetter
les chevaux; mais elles craignaient pour moi les ruades et pour
elles les haut-le-corps. J'eus recours à un autre expédient; je
pris par la bride le cheval de mademoiselle Galley, puis, le tirant
après moi, je traversai le ruisseau ayant de l'eau jusqu'à
mi-jambes, et l'autre cheval suivit sans difficulté. Cela fait, je
voulus saluer ces demoiselles et m'en aller comme un benêt: elles
se dirent quelques mots tout bas; et mademoiselle de Graffenried
s'adressant à moi: Non pas, non pas, me dit-elle, on ne nous
échappe pas comme cela. Vous vous êtes mouillé pour notre service,
et nous devons en conscience avoir soin de vous sécher: il faut,
s'il vous plaît, venir avec nous, nous vous arrêtons prisonnier. Le
cœur me battait; je regardais mademoiselle Galley. Oui, oui,
ajouta-t-elle en riant de ma mine effarée, prisonnier de guerre;
montez en croupe derrière elle, nous voulons rendre compte de vous.
Mais, mademoiselle, je n'ai point l'honneur d'être connu de madame
votre mère; que dira-t-elle en me voyant arriver? Sa mère, reprit
mademoiselle de Graffenried, n'est pas à Toune, nous sommes seules:
nous revenons ce soir, et vous reviendrez avec nous.
    L'effet de l'électricité n'est pas plus prompt que celui que ces
mots firent sur moi. En m'élançant sur le cheval de mademoiselle de
Graffenried, je tremblais de joie; et quand il fallut l'embrasser
pour me tenir, le cœur me battait si fort qu'elle s'en aperçut:
elle me dit que le sien lui battait aussi, par la frayeur de
tomber; c'était presque, dans ma posture, une invitation de
vérifier la chose: je n'osai jamais; et durant tout le trajet mes
deux bras lui servirent de ceinture, très serrée à la vérité, mais
sans se déplacer un moment. Telle femme qui lira ceci me
souffletterait volontiers, et n'aurait pas tort.
    La gaieté du voyage et le babil de ces filles aiguisèrent
tellement le mien, que jusqu'au soir, et tant que nous fûmes
ensemble, nous ne déparlâmes pas un moment. Elles m'avaient mis si
bien à mon aise, que ma langue parlait autant que mes yeux,
quoiqu'elle ne dit pas les mêmes choses. Quelques instants
seulement, quand je me trouvais tête à tête avec l'une ou l'autre,
l'entretien s'embarrassait un peu; mais l'absente revenait bien
vite, et ne nous laissait pas le temps d'éclaircir cet
embarras.
    Arrivés à Toune, et moi bien séché, nous déjeunâmes. Ensuite il
fallut procéder à l'importante

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