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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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ses pensées et se concentrer sur cette angoissante question : les six doigts du nouveau-né étaient-ils un signe du ciel ?
    Elle avait complètement oublié son projet initial de tuer l’enfant en se souvenant de l’histoire du petit Moïse dans la Bible : sa mère le dépose dans un panier d’osier qu’elle laisse partir à la dérive sur le Nil, une princesse sauve l’enfant des eaux et l’élève comme son propre fils. Le grand fleuve se trouvait à deux heures de marche de là. Comment pouvait-elle y amener l’enfant sans se faire remarquer ? Il lui manquait aussi un couffin étanche en guise d’embarcation.
    à la tombée de la nuit, elle regagna le dortoir des serviteurs sous les combles. Agitée par de sombres pensées, elle ne put fermer l’œil. Bien que cette naissance secrète l’eût épuisée, elle s’inquiétait pour le nourrisson suspendu sans défense dans les branches de l’arbre. Il devait avoir froid dans son panier, et ses pleurs allaient attirer les hommes et les animaux. Afra n’avait qu’une envie : se lever et partir discrètement à la faveur de l’obscurité pour voir ce qu’il en était. Mais elle craignait de se trahir. Ce n’est que le lendemain, vers midi, qu’elle parvint à s’éclipser.
    Elle courut nu-pieds jusqu’à l’endroit où elle avait accouché la veille. Elle s’arrêta hors d’haleine et chercha le panier du nourrisson qu’elle avait suspendu à une branche. Il avait disparu. Elle était tellement troublée qu’elle crut s’être fourvoyée, et essaya tant bien que mal, de s’orienter. Par quel curieux phénomène les événements de la veille l’avaient-ils à ce point perturbée ? Elle s’apprêtait à prendre une autre direction lorsque l’odeur pénétrante de champignon lui chatouilla les narines. Elle observa le sol à ses pieds et découvrit des taches de sang sur la mousse.
    Dans les jours qui suivirent, Afra se rendit dans la forêt pour rechercher les traces de l’enfant qu’elle avait mis au monde. Elle raconta à la servante qu’elle allait aux champignons. Et, chaque fois, elle rapportait de grandes quantités de girolles, de cèpes magnifiques, d’agarics et de bolets avec leurs chapeaux brillants, autant qu’elle pouvait en porter. Mais elle ne trouva aucune trace, aucun indice qui lui aurait permis de savoir ce qu’était devenu le nourrisson, désespérant de recouvrer un jour la sérénité de son âme.
    Une année passa et l’automne arriva. Le soleil bas dans le ciel embrasait les feuillages des arbres et les épines roussies des sapins.
    La mousse tapissant le chemin était gorgée d’une eau glaciale, et Afra, ne pouvant désormais accéder à la forêt que très difficilement, abandonna tout espoir de retrouver une preuve de la survie de l’enfant.
    Deux années s’écoulèrent. Alors qu’habituellement, le temps guérit les blessures que la vie inflige, Afra ne se remettait pas de cette horrible histoire.
    Chaque rencontre avec le bailli Melchior ravivait ses souvenirs.
    Elle fuyait à toutes jambes sitôt qu’elle entendait au loin sa jambe de bois marteler le sol. Quant à Melchior, il l’évita jusqu’à ce jour de septembre où il l’aperçut cueillant, dans le grand pommier derrière la grange, des petites pommes vertes que l’été froid et pluvieux n’avait pas fait mûrir.
    Absorbée dans sa fastidieuse cueillette, Afra ne le vit pas approcher. Il se campa au pied de l’échelle et, l’œil vicelard, reluqua le dessous de ses jupons. Quand, subitement, elle vit l’homme aux regards concupiscents, elle s’affola car elle était nue sous sa robe.
    — Descends, petite putain ! lui ordonna-t-il sur un ton autoritaire et grossier.
    Transie de peur, Afra obtempéra, mais lorsque le goujat, l’ayant attirée à lui brutalement, voulut la prendre par la force, elle se débattit énergiquement et lui donna une gifle si violente que le sang jaillit du nez du bailli et éclaboussa sa robe de gros drap comme si elle venait d’égorger un cochon.
    Plus elle se défendait, plus le rustre avait l’air émoustillé ; il ne céda pas, bien au contraire et, dans un état second, la jeta par terre, lui retroussa les jupons par-dessus la tête et sortit son braquemart de ses chausses.
    — Vas-y, vas-y donc ! haleta Afra. Fais mon malheur une fois de plus, mais tu ne l’emporteras pas au paradis !
    Melchior s’arrêta un instant comme s’il recouvrait sa lucidité. Afra saisit

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