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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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que le voyageur Ibn Jobair décrira avec émerveillement quelques dizaines d'années plus tard : les scîurces de naphte. Le précieux liquide brun qui fera un jour la fortune de cette partie du monde s'offre déjà aux yeux des passants :
Nous traversons une localité appelée al-Qayyara (la bitumière), proche du Tigre. A droite du chemin qui mène à Mossoul, il y a une dépression de terre, noire comme si elle était sous un nuage. Dieu y fait jaillir des sources, grandes et petites, qui donnent du bitume. Parfois l'une d'elles en projette des morceaux, comme en un bouillonnement. On construit des bassins dans lesquels on le récolte. Autour de ces sources, il y a un étang noir à la surface duquel surnage une mousse noire légère qu'il rejette sur le's bords et qui s'y coagule en bitume. Ce produit a l'apparence d'une boue très visqueuse, lisse, brillante, dégageant une odeur forte. Nous avons pu ainsi observer de nos propres yeux une merveille dont nous avions entendu parler et dont la description nous avait paru fort extraordinaire. Non loin de là, sur les bords du Tigre, il y a une autre grande source dont nous apercevons de loin la fumée. On nous dit qu'on y met le feu quand on veut en tirer le bitume. La flamme en consume les éléments liquides. On coupe alors le bitume en morceaux et on le transporte. Il est connu dans tous ces pays jusqu'en Syrie, à Acre et dans toutes les régions côtières. Allah crée ce qu'il veut. Qu'il soit loué!
    Les habitants de Mossoul attribuent au liquide brun des vertus curatives et ils viennent s'y plonger quand ils sont malades. Le bitume produit à partir du pétrole sert aussi dans le bâtiment, pour « cimenter » les briques. Grâce à son étanchéité, on l'utilise pour badigeonner les murs des hammams, où il prend l'aspect d'un marbre noir poli. Mais, comme on le verra, c'est dans le domaine militaire que le pétrole est le plus couramment employé.
    Indépendamment de ces ressources prometteuses, Mossoul joue au début de l'invasion franque un rôle stratégique essentiel et, ses gouverneurs ayant acquis un droit de regard sur les affaires de Syrie, l'ambitieux Karbouka a l'intention de l’exercer. Pour lui, cet appel à l'aide de Yaghi Siyan est l'occasion rêvée d'étendre son influence. Sans hésiter, il promet de lever une grande armée. Désormais, Antioche ne vit plus que dans l'attente de Karbouka.
    Cet homme providentiel est un ancien esclave, ce qui, pour les émirs turcs, n'a rien de dégradant. Les princes seldjoukides ont, en effet, pris l'habitude de désigner leurs esclaves les plus fidèles et les plus doués à des postes de responsabilité. Les chefs de l'armée, les gouverneurs des villes sont souvent des esclaves, des « mamelouks », et leur autorité est telle qu'ils n'ont pas même besoin d'être officiellement affranchis. Avant que ne s'achève l'occupation franque, tout l'Orient musulman sera dirigé par des sultans mamelouks. En 1098 déjà, les hommes les plus influents de Damas, du Caire et de plusieurs autres métropoles sont esclaves ou fils d'esclaves.
    Karbouka est l'un des plus puissants. Cet officier autoritaire à la barbe grisonnante porte le titre turc d'atabek, littéralement « père du prince ». Dans l'empire seldjoukide, les membres de la famille régnante connaissent une mortalité abondante - combats, meurtres, exécutions - et ils laissent souvent des héritiers mineurs. Afin de préserver les intérêts de ces derniers, on leur désigne un tuteur qui, pour parfaire son rôle de père adoptif, épouse généralement la mère de son pupille. Ces atabeks deviennent, en toute logique, les véritables détenteurs du pouvoir, qu'ils transmettent souvent à leurs propres fils. Le prince légitime n'est plus alors qu'une marionnette entre leurs mains, parfois même un otage. Mais on respecte scrupuleusement les apparences. Ainsi les armées sont-elles « commandées » officiellement par des enfants de trois ou quatre ans qui ont « délégué » leur pouvoir à leur atabek.
    C'est précisément à ce spectacle insolite qu'on assiste aux derniers jours d'avril 1098 quand près de trente mille hommes se rassemblent à la sortie de Mossoul. Le firman officiel y annonce que les vaillants combattants vont accomplir le jihad contre les infidèles sous les ordres d'un obscur rejeton seldjoukide qui, du fond de ses langes, a confié le commandement de l'armée a l’atabek Karbouka. 
    Selon l'historien Ibn al-Athir, qui

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