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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amin Maalouf
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golfe d'Aqaba, et s'étant fait guider par quelques pirates de la mer Rouge, l'expédition, descendue le long de la côte, s'était ‘attaquée à Yanboh, port de Médine, puis à Rabigh, non loin de La Mecque. En chemin, les hommes de Renaud coulaient un bateau de pèlerins musulmans qui se dirigeait vers Jeddah. Tout le monde était pris par surprise , explique Ibn al-Athir, car les gens de ces régions n'avaient jamais connu un seul Franj, ni commerçant ni guerrier . Enivrés par leur succès, les assaillants avaient pris leur temps, remplissant leurs bateaux de butin. Et tandis que Renaud lui-même remontait vers ses terres, ses hommes passaient de longs mois à sillonner la mer Rouge. Le frère de Saladin, al-Adel, qui gouvernait l’Egypte en son absence, arma une flotte et la lança à la poursuite des pillards, qui furent écrasés. Certains d'entre eux furent conduits à La Mecque pour être décapités en public, châtiment exemplaire , conclut l'historien de Mossoul, pour ceux qui ont cherché à violer les lieux saints . Les nouvelles de cette folle équipée avaient bien entendu fait le tour du monde musulman, où Arnat symbolisera désormais ce qu'il y a de plus hideux chez l'ennemi franc. 
    Saladin avait répondu en lançant plusieurs raids contre le territoire de Renaud. Mais, malgré sa fureur, le sultan savait rester magnanime. En novembre 1183, par exemple, alors qu'il avait installé des catapultes autour de la citadelle de Kerak et commencé à la bombarder avec des quartiers de roc, les défenseurs lui firent dire que des noces princières se déroulaient au même moment à l'intérieur. Bien que la mariée fût la belle-fille de Renaud, Saladin avait demandé aux assiégés de lui indiquer le pavillon où allaient résider les jeunes époux, et ordonné à ses hommes d'épargner ce secteur. 
    De tels gestes, hélas! ne servent à rien avec Arnat. Un moment neutralisé par le sage Raymond, il peut, à l'avènement du roi Guy, en septembre 1186, dicter à nouveau sa loi. Quelques semaines plus tard, ignorant la trêve qui devait se prolonger pendant deux ans et demi encore, le prince fond, tel un oiseau de proie, sur une importante caravane de pèlerins et de marchands arabes qui avançait tranquillement sur la route de La Mecque. Il en massacre les hommes armés, emmenant le reste de la troupe en captivité à Kerak. Lorsque certains d'entre eux osent rappeler à Renaud la trêve, il leur lance sur un ton de défi : « Que votre Mahomet vienne donc vous délivrer! » Quand on rapportera ces mots à Saladin quelques semaines plus tard, il, jurera de tuer Amat de ses propres mains. 
    Mais, dans l'immédiat, le sultan s'efforce de temporiser. Il envoie des émissaires à Renaud pour demander, conformément aux accords, la libération des captifs et la restitution de leurs biens. Le prince refusant de les recevoir, ces demiers se dirigent vers Jérusalem où les reçoit le roi Guy, qui se dit choqué des agissements de son vassal, mais n'ose pas entrer en conflit avec lui. Les ambassadeurs insistent : les otages du prince Amat continueraient donc à croupir dans les oubliettes de Kerak au mépris de tous les accords et de tous les serments? L’incapable Guy s'en lave les mains. 
    La trêve est rompue. Saladin, qui l'aurait respectée jusqu'à son terme, ne s'inquiète nullement du retour des hostilités. Dépêchant des messagers aux émirs d'Egypte, de Syrie, de la Jézira et d'ailleurs, pour leur annoncer que les Franj ont traîtreusement bafoué leurs engagements, il appelle alliés et vassaux à s'unir avec toutes les forces dont ils disposent pour prendre part au jihad contre l'occupant, De toutes les contrées de l'islam, des milliers de cavaliers et de fantassins affluent vers Damas. La ville n'est plus qu'un vaisseau échoué dans une mer de toiles ondulantes, petites tentes en poil de chameau, où les soldats s’abritent du soleil et de la pluie, ou vastes pavillons princiers en tissus richement colorés, ornés de versets coraniques ou de poèmes calligraphiés. 
    Tandis que la mobilisation se poursuit, les Franj s'enfoncent dans leurs querelles internes. Le roi Guy jugeant le moment propice pour se débarrasser de son rival Raymond, qu'il accuse de complaisance à l'égard des musulmans, l'armée de Jérusalem se prépare à attaquer Tibériade, une petite ville de Galilée qui appartient à la femme du comte de Tripoli. Alerté, celui-ci va rencontrer Saladin pour lui proposer

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