Les croisades vues par les arabes
nombreux incendies et met le siège devant la citadelle, occupée par la comtesse, épouse de Raymond, et une poignée de défenseurs. L'armée musulmane est parfaitement capable d'écraser leur résistance, mais le sultan retient ses hommes. Il faut accentuer lentement la pression, faire semblant de préparer l'assaut final, et attendre les réactions.
Quand les Franj apprirent que Salaheddin avait occupé et incendié Tibériade, raconte Ibn aI-Athir, ils se réunirent en conseil. Certains proposèrent de marcher contre les musulmans pour les combattre et les empêcher de s'emparer de la citadelle. Mais Raymond intervint : a Tibériade m'appartient, leur dit-il, et c'est ma propre femme qui est assiégée. Mais je suis prêt à accepter que la citadelle soit prise et que ma femme soit capturée si l'offensive de Saladin s'arrête là. Car, par Dieu. j'ai vu bien des armées musulmanes par le passé et aucune n'était aussi nombreuse ni aussi puissante que celle dont dispose Saladin aujourd'hui. Evitons donc de nous mesurer à lui. Nous pourrons toujours reprendre Tibériade plus tard et payer une rançon pour libérer les nôtres. » Mais le prince Arnat, seigneur de Kerak, lui dit : « Tu cherches à nous faire peur en nous décrivant la force des musulmans, parce que tu les aimes et que tu préfères leur amitié, sinon tu ne proférerais pas de telles paroles. Et si tu me dis qu'ils sont nombreux, je te réponds : le feu ne se laisse pas impressionner par la quantité de bois à brûler. » Le comte dit alors : « Je suis l'un de vous, je ferai comme vous voudrez, je me battrai à vos côtés, mais vous verrez ce qui va arriver. »
Une fois de plus, la raison du plus extrémiste avait triomphé chez les Occidentaux.
Désormais, tout est en place pour la bataille. L'armée de Saladin s'est déployée dans une plaine fertile, couverte d'arbres fruitiers. Derrière, s'étend l'eau douce du lac de Tibériade, que traverse le Jourdain, tandis que plus loin, vers le nord-est, se détache la silhouette majestueuse des hauteurs du Golan. Proche du camp musulman, s'élève une colline surmontée de deux sommets, qu'on appelle « les cornes de Hittin », du nom du village qui se trouve sur leur flanc.
Le 3 juillet, l'armée franque, forte d'environ douze mille hommes, se met en mouvement. Le chemin qu'elle doit parcourir entre Saffouriya et Tibériade n'est pas long, tout au plus quatre heures de marche en temps normal. En été, toutefois, cet espace de la terre palestinienne est complètement aride. Il n'y a ni source ni puits, et les cours d'eau sont à sec. Mais en quittant Saffouriya de bon matin, les Franj ne doutent pas de pouvoir se désaltérer au bord du lac dès l'après-midi. Saladin a minutieusement préparé son piège. Toute la journée ses cavaliers harcèlent l'ennemi, l'attaquant aussi bien par-devant, par-derrière, que sur les côtés, dirigeant sans arrêt contre lui des nuées de flèches. Ils infligent ainsi aux Occidentaux quelques pertes et, surtout, ils les forcent à ralentir leur allure.
Peu avant la tombée du jour, les Franj ont atteint un promontoire du haut duquel ils peuvent dominer tout le paysage. Juste à leurs pieds, s'étend le petit village de Hittin, quelques maisons couleur de terre, tandis que tout au fond de la vallée scintillent les eaux du lac de Tibériade. Et plus proche, dans la plaine verdoyante qui s'étend le long de la rive, l'armée de Saladin. Pour boire, il faut demander l'autorisation du sultan!
Saladin sourit. Il sait que les Franj sont épuisés, morts de soif, qu'ils n'ont plus ni la force ni le temps, avant le soir, de se frayer un passage jusqu'au lac, condamnés à rester jusqu'au matin sans une goutte d'eau. Pourront-ils vraiment se battre dans ces conditions? Cette nuit-là, Saladin partagera son temps entre la prière et les réunions d'état-major. Tout en chargeant plusieurs de ses émirs de se porter à l'arrière de l'ennemi pour lui couper toute retraite, il s'assure que chacun a bien pris position et répète ses directives.
Le lendemain, 4 juillet 1187, dès les premières lueurs de l'aube, les Franj, totalement encerclés, étourdis par la soif, tentent désespérément de dévaler la colline et d'atteindre le lac. Leurs fantassins qui, plus éprouvés que leurs cavaliers par la marche épuisante de la veille, courent à l'aveuglette, portant leurs haches et leurs masses comme un fardeau, viennent s'écraser, vague après vague, sur
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