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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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l’incarcération immédiate pour les agents del’ Elz que Daladier venait effectivement d’arrêter.
    Je ressentais amèrement, pour en avoir fait trop souvent l’expérience, l’inutilité de ces réfutations, ces recollages de textes qui n’ont jamais effacé un mensonge, converti un ennemi, ni clos une querelle. On ne polémiquait pas avec un [misérable] énergumène, aussi venimeux et dangereux [et vendu], on le faisait occire convenablement. Pour un Kerillis, en saine politique, la chose aurait dû être depuis longtemps liquidée. Que ce dégénéré, ce vulgaire stipendié eût pu devenir une espèce de personnage historique, cela seul suffisait à juger une époque et un pays.
    Ma contre-offensive, du moins, me rendait le plaisir de la bataille. C’était autant de pris sur le spleen. Je m’y livrai avec volupté.
    Mais, tandis que je m’escrimais sur mes colonnes, un événement redouté nous menaçait. Gaxotte, après nous avoir suivis quelques semaines vaille que vaille, en rechignant, mais en nous maintenant malgré tout sa signature, donnait des signes de plus en plus pitoyables de désarroi et de peur. Notre verdeur lui inspirait de vraies transes. Lui qui avait haussé si violemment les épaules devant les fameuses Allemagnes de Maurras, il contribuait à son tour au découpage. Quinze jours plus tôt, il nous avait affligés d’un article-alibi, une publicité pour les bons d’armements de Reynaud qui faisait une tache déshonorante dans notre journal. Les clameurs de Kerillis le jetaient en pleine panique. Il ne pouvait plus cacher sa terreur d’être mêlé à des réfractaires aussi compromis que nous. Il parlait tout net de suspendre sa collaboration.
    Pourtant, le tintamarre de Kerillis tournait d’une façon presque inespérée à sa courte honte. L’odieux hanneton avait d’abord manifesté une hâte extrême. Il sommait ministres et corps constitués d’entendre sur l’heure ses dénonciations et d’agir, d’appréhender, de perquisitionner, de juger. Le sort de la patrie en dépendait. Mais la Commission des Affaires étrangères de la Chambre, sous quelques influences raisonnables, l’avait invité à s’expliquer devant elle. La chose, aussitôt, était devenue moins urgente. Les individus démasqués par M. de Kerillis, redoutables malfaiteurs, traîtres à leur pays en pleine guerre, pouvaient toutefois courir quelque temps encore. M. de Kerillis déclinait l’invitation officielle. Il ne s’expliquerait qu’en séance publique.
    Mais le Parlement siégeait maintenant. Des demandes d’interpellation étaient déposées. Kerillis n’avait pu se dérober davantage. Les couloirs étaient fort agités par une philippique où le gentilhomme, quelques jours avant la séance, jetait la suspicion sur une cinquantaine de ses collègues. Kerillis commettait ainsi la gaffe majeure, en violant sur un point grave la confraternité des élus. Les moins vils d’entre eux ressentaient sans doute aussi l’indécence d’un tel débat, le Parlement convoqué pour un pareil déballage de sornettes, tandis que le pays se battait. En dépit de la réconfortante présence de Maurice de Rothschild, qui, penché sur le bord de sa loge, buvait passionnément ses paroles, le microcéphale de Neuilly avait été piteux, blafard, convulsif, ânonnant d’une voix pointue, désarçonné par un hémicycle ironique, lâchant du terrain, escamotant ses fameux documents, s’excusant presque avant de détaler sous les traits de deux ou trois de nos amis fidèles, Tixier-Vignancour, Philippe Henriot. Un vieux sectaire bien arrimé aux loges eût été repêché tant bien que mal. Mais il n’y avait point de bouées ni de perches pour un Kerillis, « droitier » honteux, clérical commode pour de basses besognes et qu’on lâche dès qu’il a trébuché.
    La presse, jusques et y compris des journaux comme Candide, avait pu laisser sans piper un mot ce méchant maniaque qualifier un écrivain comme Maurras de serviteur de l’ennemi se couvrant « sous un vernis verbal antihitlérien ». Mais devant la dégringolade du sire, plusieurs journaux retrouvaient leur courage et lui plantaient des banderilles. Le Temps lui-même lui avait dédié un apologue de tour franciscain, un peu enveloppé mais malicieux.
    Notre numéro de Je Suis Partout devait être achevé pour la censure le lendemain. Classes par classes, depuis quelques jours, les « fascicules bleus » prenaient le chemin des

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