Les Décombres
à se disculper en multipliant les charges les plus grossières sur le chef de l’Allemagne, sans que les journaux juifs fassent grâce d’une seule injure à ces suppôts de la croix gammée. On étale scientifiquement les faiblesses de la Germanie. Pour parler de Hitler et de Mussolini, le mot le plus courtois est celui de flibustiers. On mène un bruit énorme autour de la « résistance » tchèque. M. Heinrich Mann, honorable émigré, nous apprend que l’Allemagne entière est dressée contre le nazisme. M. André Tardieu, oubliant qu’il a fabriqué Versailles et lâché Mayence, donne les verges au dernier carré des Munichois. Les Français ont dix années d’avance sur les fortifications du Reich. La ligne Siegfried a fondu sous une crue du Rhin. C’est « le réseau du bluff ». Elle a été construite « à la manière des pavillons pour exposition internationale ». C’est une entreprise à grand spectacle, ordonnée par la mégalomanie de Hitler, mais dont l’état-major de Berlin sait bien qu’elle n’offre aucun intérêt militaire. On ne veut plus l’appeler « ligne Siegfried », un nom qui porte malheur depuis les offensives de 1918. Ce sera le Westwall, le barrage de l’Ouest : un barrage qui fait sourire les techniciens.
Au temple du dieu Mars anglo-juif, c’est à qui s’empressera d’apporter sa pierre : mensonges, insanités, insultes, lieux communs.
Notre brave Je Suis Partout lui-même lâche la rampe. Le crédit qu’on y a ouvert à Daladier dure toujours. On s’interroge sérieusement sur son « expérience ». On le félicite d’œuvrer avec ténacité au redressement français. Il est sobre, pondéré, réfléchi, il a un ton humain. On l’oppose aux dictateurs, ces maniaques gesticulants, prolixes, et que Pierre Gaxotte une fois pour toutes juge assommants. L’Allemagne est énervée, inquiète, la France calme et résolue.
Céline, notre grand Céline, vient d’écrire un livre qui apparaîtra deux ans après d’un sublime bon sens, L ’ École des Cadavres, sa plus magnifique prophétie, plus vaste encore que ses fameuses Bagatelles. Tout y est dit et prédit. Ferdinand envoie au bain Maurras, « lycéen enragé », « Maurras, vous êtes avec les Juifs, en dépit de vos apparences ». Il vitupère l’Union Nationale, « astuce admirable, apothéose fossoyante », la féroce Angleterre : « L’ennemi est au Nord ! Ce n’est pas Berlin ! C’est Londres ! La Cité ! Les Casemates tout en or ! La Banque d’Angleterre avec ses laquais framboise, voilà l’ennemi héréditaire. »
« Moi, s’écrie-t-il, je veux qu’on fasse une alliance avec l’Allemagne et tout de suite, et pas une petite alliance, précaire, pour rire, fragile, palliative ! quelque pis-aller !… Une vraie alliance, solide, colossale, à chaux et à sable… Je trouve que sans cette alliance, on est rétamés, on est morts, que c’est la seule solution. On est tous les deux des peuples pauvres, mal dotés en matières premières, riches qu’en courage batailleur. Séparés, hostiles, on ne fait que s’assassiner. Séparés, hostiles, côte à côte, on sera toujours misérables, toujours les esclaves des bourriques, des provocateurs maçons, les soldats des Juifs, les bestiaux des Juifs. Ensemble, on commandera l’Europe. Ça vaut bien la peine qu’on essaye. »
Nous admirons fort la magnifique épigraphe : « Dieu est en réparation. » Mais devant tout le reste, les céliniens fervents de Je Suis Partout se voilent la face ou haussent les épaules. Ferdinand exagère. Il devient le monomane de l’injure. C’est décidément un anarcho.
Le seul article pensé et ferme de ces mois lamentables est signé chez nous par Robert Brasillach, écrivant en avril que si les fascismes étrangers menacent, c’est par le fascisme français qu’il faut leur répondre et non par la démocratie. Mais a-t-on jamais eu moins de chances d’abattre de l’intérieur la démocratie française ? Au reste, huit jours plus tard, Gaxotte rétablit bien vite l’équilibre : « Nous avons perdu la Tchécoslovaquie qui ne représentait pas grand-chose. Nous avons, en revanche, gagné la Pologne… qui représente une force militaire, une cohésion et un patriotisme infiniment supérieurs. » Qu’est-ce donc que ce « nous », sinon la démocratie en croisade ? Gaxotte, dans le privé, ne le dissimule pas. Comme il est loin, l’ami vibrant, le pacifiste
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