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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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toutes les chances d’abattre le Reich, et de s’exaspérer des obstacles qu’on lui suscite à chaque instant.
    Les nationaux protestent que l’alliance russe, c’est la guerre, et lancent inlassablement aux gribouilles à cocardes cette évidence : les Soviets ne s’engageront dans un pareil conflit que pour atteindre leur objectif suprême, si souvent défini, la révolution universelle. Mais ces nationaux s’arrêtent au milieu de leur argumentation. Ils n’osent pas dire que désormais toute guerre contre l’Allemagne ne peut plus être engagée avec l’espoir de vaincre sans l’ignoble partenaire asiate, et que notre triomphe serait bien davantage encore le sien, c’est-à-dire notre anéantissement. Ils ont perdu jusqu’à cette cohérence verbale qui est demeurée longtemps leur privilège. Au vrai, les nationaux complotent eux aussi la battue à l’hydre hitlérienne. Mais ils entendent y avoir des invités de leur choix. Maurras, au lendemain de l’incident albanais, a retourné contre le mur le grand portrait de Mussolini qui, depuis des années, veillait devant son bureau, entre une déesse grecque et un béret rouge de requete. Cependant, sous chaque feuille de ses articles, il tend encore la main au dictateur latin. Cette persévérance n’est-elle pas aussi chimérique que celle des pèlerins passionnés du Kremlin ? Avec Rome, on s’observe maintenant de créneau à créneau. La France officielle ne fait plus aucune distinction entre le Duce et Hitler. L’Italie riposte en affichant pour nous un dédain monumental. Elle vient en grande pompe de mettre le dernier écrou à son alliance avec le Reich. De quel prix ne faudrait-il pas payer la rupture d’un pacte aussi étroit ! Loin de parler de prix, Maurras revendique. À son ordinaire, il reconstruit le monde du haut d’un empyrée. Ainsi le meilleur de la pensée française s’en va en fictions algébriques, en fumées de littérature, en peau de balle et variétés.
    Nos quêteurs d’alliances sont pareils à de vieilles filles flétries qui se prennent au chignon sur les mérites des mâles de leur choix. Ces époux présumés leur éclateront au nez de rire, et la veille de la noce, le moujik adoré se déclarera pour Germania. Les rivaux n’en seront pas pour cela réconciliés, et le dépit aigrira encore leur dispute.
    Du bout de nos trente mois de guerre, de drames inimaginables et pour ne parler que des Français, quel tournoi de cocus aux yeux bandés, se mentant les uns aux autres à chaque mot !
    Le plus grave est ceci : tandis que ces gentillesses se déroulent, l’Angleterre, souveraine maîtresse, mène en toute quiétude son jeu sournois. Incertaine en septembre, elle a maintenant opté sans retour pour la guerre, par la décision de ses banquiers, de ses affairistes, de ses juifs, de son clergé. Le vaudeville nous masque cette tragédie et le vrai criminel. Il est exact que tous nos russomanes sont bellicistes. Mais les féaux de Londres le seraient-ils donc moins ? Comment les départagerait-on les uns des autres ? Nous tirons sur l’épouvantail, mais nous laissons l’incendiaire se promener torche au poing. Dans toutes les listes de vendus que nous brandissons, il a été décidé que c’était l’or de l’Oural qui réglait les chèques. Car les Bolchevicks sont lointains et aisés à honnir. Pourtant, c’est en sterlings que Kerillis est payé. Mais personne n’oserait démasquer une trahison que solde la monnaie de l’Entente cordiale.
    Les agents de Staline que nous traquons sans merci sont un menu fretin, une piètre valetaille. Sur les agents d’Albion, armés de toutes les puissances, les polémistes les plus déchaînés restent muets. On se bat pour aller ou ne pas aller à Moscou. Mais personne ne dit que c’est Londres qui nous y traîne. On s’acharne sur Buré, plumitif marron qui n’a pas cent lecteurs, limace de chancelleries qui n’enfle son rôle que de nos insultes. Mais on ne se permettrait pas de dénoncer Elie Bois, vassal de la City qui travaille sur plus d’un million de citoyens.
    Les docteurs les plus fins ne subodorent rien dans le périple de Sa Majesté Britannique, qui va s’assurer avant le grand massacre de son dominion canadien, comme elle s’est assurée, un an plus tôt, de son dominion de France. L’amitié insulaire est passée au rang des thèmes sacrés. Le mariage indissoluble des deux empires est une matière de catéchisme. On nous invite à

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