Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les derniers jours de Jules Cesar

Les derniers jours de Jules Cesar

Titel: Les derniers jours de Jules Cesar Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
Vom Netzwerk:
il
faut plus de courage pour se tuer que pour massacrer ses ennemis dans la fureur
de la bataille. »
    César se remit en marche.
    Silius le regarda gravir la dernière rampe en direction du
Capitole. Il avançait d’un pas énergique, décidé, militaire. Après avoir
surmonté sa crise, il semblait avoir recouvré sa vigueur : peut-être se
croyait-il en mesure de vaincre ce mal ainsi qu’il l’avait toujours emporté sur
tout et sur tous.
    Le temple était ouvert. À l’intérieur, la statue de Jupiter
se dévoilait peu à peu, offrant sa tête, sa poitrine, ses bras, son ventre puis
ses genoux aux deux hommes qui se rapprochaient. Cette statue antique aux
traits durs, anguleux, à la barbe raide, se voulait effrayante. Elle était
flanquée des images de Minerve et de Junon, dans deux niches latérales.
    César et Silius rejoignirent devant l’autel une petite foule
composée de sénateurs qui étaient, pour certains, amis de l’homme d’État. Il y
avait des absents, dont Antoine, sans doute retenu ailleurs par ses fonctions
de consul.
    Au deuxième et au troisième rangs se pressaient des
plébéiens auxquels on distribuerait la chair de la victime après le sacrifice.
Ils regardaient les membres du collège sacerdotal des flamines sortir du temple
dans leur tenue de cérémonie.
    Dès que le grand pontife à la tête voilée eut gagné l’autel,
des serviteurs amenèrent un veau de trois ou quatre mois aux cornes tout juste
esquissées. L’un d’eux portait une hache ; un autre, sur un plateau, la mola
salsa, mélange de sel et de farine d’épeautre qui constituait la nourriture
frugale des Anciens. César en ramassa une poignée et la répandit sur la tête de
l’animal. À son signe, la lourde hache s’abattit sur son encolure. La tête
roula au sol et le corps s’effondra.
    Depuis la fin de la dernière guerre, en Espagne, Silius ne
supportait plus l’odeur du sang. Il s’obligea à penser à autre chose, aux
nouvelles peu rassurantes de la Syrie et de l’Espagne, pas totalement
pacifiées. Il contempla le ciel : les nuages ne se décidaient pas à se
résoudre en pluie bien qu’ils fussent de plus en plus menaçants et que le
tonnerre continuât de gronder au loin, sur les monts encapuchonnés de blanc.
    Les serviteurs retournèrent le veau, lui ouvrirent le thorax
et le ventre afin que l’haruspice examine ses entrailles et en tire un auspice.
À quelques pas, César faisait mine d’observer la scène alors que son esprit
poursuivait d’autres pensées : sa maladie, l’expédition contre les
Parthes, l’avenir de l’État, ses ennemis encore en vie, ses ennemis morts, les
fantômes des martyrs de la république qui ne cessaient de le tourmenter.
    Son regard se posa sur la tête de la victime, puis sur les
yeux de Silius avec qui s’instaura une brève complicité.
    Cette vision leur rappelait la tête de Pompée, l’adversaire
défait. « Ils l’ont cherché » : telle était l’éternelle réponse
du dictateur qui, plus d’une fois, avait offert en vain un accord à son
collègue au consulat. Malgré tout, la tête coupée et conservée en saumure de ce
grand Romain ne cessait de peser sur sa conscience.
    Les mauvaises langues avaient répandu la rumeur selon
laquelle, en tuant Pompée, le petit roi égyptien, Ptolémée XIII, époux et
frère de Cléopâtre, avait évité à César un devoir ingrat, mais inévitable, et
lui avait offert l’occasion de verser quelques larmes sur son ancien gendre.
    L’haruspice plongea les mains dans les entrailles du veau
sacrifié et fouilla ses boyaux fumants. Soudain, ses gestes devinrent confus et
son regard se fit inquiet. Il était, de toute évidence, en proie à la panique.
S’en apercevant, comme tous les membres de l’assistance, César se rapprocha,
imité par Silius en dépit de son dégoût.
    « Que se passe-t-il ? Qu’as-tu vu ? »
    Blême, l’haruspice balbutia : « Le cœur… Je ne
trouve pas le cœur. C’est un terrible présage.
    — Tais-toi ! », lui intima l’homme d’État.
    Il retroussa les manches de sa tunique et enfonça les mains
avec décision dans le thorax de l’animal. Un sombre gargouillement s’ensuivit.
Un instant, son regard trahit angoisse et incertitude. Il ordonna qu’on lui
apporte une cuvette remplie d’eau pour se laver les mains et, tandis que l’eau
se teintait de rouge, déclara : « Il était juste couvert de graisse
et plus petit que la normale. Cet homme est

Weitere Kostenlose Bücher