Les Derniers Jours de Pompéi
peuple exprimèrent leur dédaigneux mépris ; on aurait pu voir alors le froncement de sourcil du stoïque, et le sourire plein de sarcasme du cynique {46} ; l’épicurien, qui ne croit pas même à notre Élysée, lança quelques plaisants jeux de mots et fendit la foule en riant ; mais le cœur du peuple était touché et agité ; ce peuple trembla sans savoir pourquoi, car l’étranger avait la voix et la majesté d’un homme à qui le Dieu inconnu a donné mission de prêcher sa foi. »
Ione écouta Glaucus avec une attention ravie, et le ton sérieux et plein d’animation du narrateur indiquait l’impression qu’il avait reçue d’un des assistants de cette assemblée qui, sur la montagne du dieu païen Mars, avait entendu les premières nouvelles de la parole du Christ.
Chapitre 6
Le portier. – La jeune fille et le gladiateur
La porte de la maison de Diomède était ouverte, et Médon, le vieil esclave, était assis au bas des degrés par lesquels on y montait. Cette magnifique demeure du riche marchand de Pompéi se voit encore hors des portes de la ville, au commencement de la rue des Tombeaux ; c’était un gai voisinage, en dépit de la mort. Du côté opposé, mais à quelques toises plus près de la porte, on trouvait une vaste hôtellerie où les personnes attirées par leurs affaires ou leurs plaisirs à Pompéi s’arrêtaient souvent pour se rafraîchir. Devant l’entrée de l’auberge, il y avait des chars, des charrettes, des véhicules de toute sorte, les uns arrivant, les autres partant ; tout était plein de bruit et de mouvement, comme cela est naturel dans ces établissements publics. En face de la porte, des fermiers étaient assis sur un banc, autour d’une table circulaire ; ils buvaient le coup du matin en s’entretenant de leurs affaires. Sur un des côtés de la porte même on avait peint gaiement l’éternelle enseigne de l’Échiquier {47} .
Près du toit de l’auberge s’étendait une terrasse sur laquelle les femmes des fermiers dont nous venons de parler se tenaient, quelques-unes assises, quelques autres appuyées sur la balustrade, où elles conversaient avec les personnes d’en bas. Dans un profond enfoncement, à peu de distance, s’élevait un endroit couvert, où plusieurs voyageurs pauvres se reposaient et secouaient la poussière de leurs habits.
De l’autre côté, un espace vide avait servi autrefois de cimetière aux habitants d’une ancienne ville située sur l’emplacement de Pompéi ; il était converti en ustrinum, c’est-à-dire en un lieu où l’on brûlait les morts. Au-dessus, la terrasse d’une charmante maison de plaisance était à moitié cachée sous les arbres ; les tombes elles-mêmes, avec leurs formes variées et gracieuses, les fleurs et les feuillages qui les entouraient, n’apportaient dans ce paysage aucune mélancolie. Auprès de la porte de la ville, une espèce de guérite enfermait un factionnaire immobile dont le soleil faisait briller le casque poli non moins que la lance sur laquelle il s’appuyait. La porte était divisée en trois arches, celle du centre pour les voitures, et les deux autres pour les piétons, et des deux côtés se dressaient les remparts massifs qui entouraient la cité, remparts construits et réparés à deux époques différentes, selon que la guerre, le temps où les tremblements de terre avaient ébranlé cette vaine protection. À de fréquents intervalles, on voyait des tours carrées dont les sommets rompaient, dans leur pittoresque rudesse, la ligne régulière des remparts, et contrastaient avec les maisons modernes du voisinage, aux murs nouvellement blanchis.
La route, qui formait plusieurs circuits dans la direction de Pompéi à Herculanum, se glissait à travers des vignes, au-dessus desquelles s’élançait le Vésuve majestueux.
« Sais-tu les nouvelles, Médon ? » dit une jeune fille tenant une cruche à la main, et qui s’arrêta à causer un moment devant la porte de Diomède avec l’esclave, avant de se rendre à l’auberge pour y remplir sa cruche et se faire courtiser par les voyageurs.
« Les nouvelles ! quelles nouvelles ? dit l’esclave en levant ses yeux, qui étaient attachés à la terre.
– Ce matin a passé par la porte, sans doute avant que tu fusses bien éveillé, un illustre visiteur.
– Ah ! dit l’esclave avec indifférence.
– Oui, un présent du noble Pompéianus.
– Un présent ? je croyais que tu parlais
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