Les Derniers Jours de Pompéi
pas dit cela ? Je m’étonnais, je ne pouvais comprendre ; par Hercule, je n’y comprends encore rien : mais j’étais votre fils, et ma seule tâche était de vous plaindre et de vous soulager. Pouvais-je entendre vos gémissements, être témoin de vos mystérieuses terreurs, de vos constantes angoisses, et rester inactif ? Non, par les dieux immortels ! Une lumière m’éclaira comme si elle descendait de l’Olympe. Je n’avais pas d’argent, mais j’avais de la force, de la jeunesse… c’étaient là les dons que vous m’aviez faits… Je pouvais les engager pour vous. Je m’informai du prix de votre rançon… Je m’informai du prix que la victoire rapportait au gladiateur, et j’appris que je gagnerais de quoi payer deux fois votre liberté. Je devins gladiateur… Je me liai avec ces hommes maudits que je méprise et que j’exècre ; je fis des progrès dans leur métier… Bénies soient leurs leçons !… elles serviront à rendre mon père libre.
– Oh ! que ne peux-tu entendre Olynthus ? » dit le vieillard en soupirant, et de plus en plus touché de la vertu de son fils, mais qui n’en restait pas moins convaincu que l’action qu’il méditait était un crime.
« J’entendrai le monde entier, si vous le voulez, répondit le gladiateur avec gaieté, mais lorsque vous ne serez plus esclave. Sous votre propre toit, mon père, vous aurez le loisir d’endoctriner mon pauvre cerveau tout le jour et toute la nuit, si cela vous plaît. Oh ! je vous ai déjà choisi votre demeure. C’est une des neuf cent quatre-vingt-dix-neuf boutiques de la vieille Julia Félix, dans une belle exposition, en plein soleil. Vous pourrez rester là toute la journée à votre porte, et j’achèterai pour vous de l’huile et du vin, mon père… Et alors, s’il plaît à Vénus (ou s’il ne lui plaît pas, puisque vous n’aimez plus son nom, cela est égal à Lydon), vous aurez peut-être une fille aussi pour honorer vos cheveux blancs, et vous entendrez sur vos genoux de petites voix qui vous appelleront grand-père. Oh ! nous serons heureux alors… Le prix achètera tout cela… Réjouissez-vous, réjouissez-vous, mon père, et maintenant, le jour s’avance. Le laniste m’attend. Donnez-moi votre bénédiction. »
En disant ces mots, il avait déjà quitté la chambre de son père ; et, tout en se parlant l’un l’autre avec vivacité, mais à demi-voix, ils se retrouvèrent au même lieu où nous les avons pris d’abord : c’était la loge du portier.
« Oh ! je te bénis, je te bénis, mon brave enfant ! dit Médon avec chaleur ; puisse le grand Être qui lit dans les cœurs, voir la noblesse du tien et te pardonner ton erreur ! »
La haute taille du gladiateur passa rapidement dans le sentier. Les yeux de l’esclave en suivirent l’ombre formidable et légère, tant qu’ils purent l’apercevoir ; et, retombant encore une fois sur son siège, il les attacha de nouveau à la terre. Muet et immobile, on l’eût cru transformé en pierre. Son cœur… Ah ! qui pourrait, dans les temps plus heureux où nous vivons, se former une idée du trouble et des combats de son cœur ?
« Puis-je entrer ? dit une douce voix, votre maîtresse Julia est-elle à la maison ? »
L’esclave répondit par un signe machinal à la personne qui demandait à être introduite ; mais elle ne pouvait s’autoriser de ce consentement… elle répéta sa question timidement, d’une voix plus basse :
« Ne te l’ai-je pas fait comprendre ? répondit assez rudement l’esclave : entre !
– Merci ! » dit d’une voix plaintive la nouvelle venue ; et l’esclave, ému de la douceur de sa voix, la regarda et reconnut la bouquetière aveugle. Le chagrin peut sympathiser avec le malheur… Il se leva, et il guida ses pas jusqu’au haut de l’escalier adjacent par lequel on descendait à l’appartement de Julia, et là, appelant une esclave du sexe de l’aveugle, il la lui donna à conduire.
Chapitre 7
Cabinet de toilette d’une Pompéienne. Conversation importante entre Julia et Nydia
L’élégante Julia était assise au milieu de ses esclaves… la chambre était petite, comme le cubiculum qui la joignait, mais plus large que les appartements réservés au sommeil, et ordinairement si étroits, que ceux qui n’ont pas vu la chambre à coucher des Pompéiens, même dans les plus riches maisons, ne peuvent se faire une idée de ces niches de pigeons, dans
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