Les Derniers Jours de Pompéi
n’avait coutume de l’être ; la musique qu’elle préfère est celle qui peint le mieux la mélancolie et pénètre le plus profondément dans l’âme. Elle pleure sans raison de pleurer. Peut-être est-ce un commencement d’amour ?… Peut-être n’est-ce que le désir d’aimer ? Dans l’un ou l’autre cas, il est temps pour moi d’opérer sur son imagination et sur son cœur : dans le premier cas, de ramener à moi cette source d’amour qui s’égare ; dans l’autre, de la faire jaillir à mon bénéfice. C’est pour cela que j’ai songé à vous.
– En quoi puis-je vous être utile ?
– Je me propose de l’inviter à une fête chez moi ; je veux éblouir, étonner, enflammer ses sens. Nos arts, au moyen desquels l’Égypte dompte ses novices, doivent être employés dans cette circonstance et sous les mystères de la religion, je prétends lui découvrir les secrets de l’amour.
– Ah ! je comprends : un de ces voluptueux banquets auxquels nous autres, prêtres d’Isis, en dépit de la rigueur de nos vœux de mortification, nous avons plus d’une fois assisté dans votre demeure.
– Non, non, pouvez-vous penser que ses chastes yeux soient disposés à voir de telles scènes ? Non ; mais nous devons d’abord séduire le frère… tâche plus facile. Écoutez-moi, voici mes instructions. »
Chapitre 5
Encore la bouquetière. – Progrès de l’amour
Le soleil pénétrait gaiement chez Glaucus et inondait de ses rayons naissants cette belle chambre connue aujourd’hui, comme je l’ai déjà dit, sous le nom de « chambre de Léda ». Ils se glissaient par une série de petites fenêtres situées à la partie la plus haute de la pièce et à travers la porte qui donnait sur le jardin, que de nos jours les propriétaires méridionaux appelleraient une orangerie. Les petites proportions de ce jardin ne permettaient pas de s’y promener ; mais les nombreuses et odorantes fleurs, dont il était rempli favorisaient cette indolence si chère aux habitants des pays chauds. Ces parfums portés par une légère brise, qui venait de la mer, se répandaient dans cette chambre dont les murs rivalisaient de couleurs avec les fleurs les plus richement nuancées. Outre le diamant de cette chambre la peinture de Léda et de Tyndare, on voyait dans chaque compartiment des murailles, d’autres peintures d’une exquise beauté : l’une représentait Cupidon aux genoux de Vénus ; l’autre Ariane dormant sur un banc sans se douter encore de la perfidie de Thésée. Les rayons du soleil se jouaient çà et là sur le pavé marqueté et sur les murs ; bien plus heureusement encore des rayons de joie illuminaient l’âme du jeune Glaucus.
« Je l’ai donc revue, disait-il, en parcourant cette étroite chambre ; j’ai entendu sa voix ; je lui ai parlé de nouveau ; j’ai écouté la musique de ses chants et elle chantait la gloire et la Grèce. J’ai découvert l’idole si longtemps souhaitée de mes rêves : comme le sculpteur de Chypre, j’ai donné la vie à la forme créée par mon imagination. »
Le monologue amoureux de Glaucus aurait peut-être duré plus longtemps ; mais, à ce moment même, une ombre se glissa sur le seuil de sa chambre : une jeune fille à peine sortie de l’enfance interrompit sa solitude. Elle était vêtue simplement d’une tunique blanche, qui retombait du cou jusqu’aux chevilles ; elle portait sous son bras une corbeille de fleurs et tenait dans l’autre main un vase de bronze rempli d’eau. Ses traits étaient plus formés, qu’on n’aurait pu l’attendre de son âge, mais pourtant doux et féminins dans leurs contours et, sans être précisément beaux en eux-mêmes, ils possédaient cette beauté que donne l’expression. Il y avait dans son air, je ne sais quel attrait de douce patience, d’un caractère tout à fait ineffable ; une physionomie empreinte de tristesse, un aspect résigné et tranquille, avaient banni le sourire mais non la grâce de ses lèvres ; la timidité de sa démarche qu’accompagnait une sorte de prévoyance, l’éclat vague et incertain de ses yeux faisaient soupçonner l’infirmité, qu’elle endurait depuis sa naissance : elle était aveugle ; mais ce défaut ne s’apercevait pas dans ses prunelles, dont la lumière douce et mélancolique paraissait pure et sans nuage.
« On m’a dit que Glaucus était ici, dit-elle, puis-je entrer ?
– Ah ! ma Nydia, dit le Grec, c’est
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