Les Derniers Jours de Pompéi
lentement d’un pas léger et sans écho tel qu’aucun serviteur ne l’entendit bien moins encore Ione et son amant.
« Et pourtant, disait Glaucus, c’est seulement avant que nous aimions que nous trouvons que nos poètes ont bien décrit cette passion. Au moment où le soleil se lève, tous les astres, qui avaient brillé dans son absence, s’évanouissent dans l’air ; les poètes n’existent non plus que pendant la nuit du cœur ; ils ne sont rien pour nous, lorsque le dieu nous fait sentir la puissance de ses rayons.
– Aimable et brillante comparaison, noble Glaucus ! »
Tous deux tressaillirent en apercevant derrière le siège d’Ione, la figure froide et sarcastique de l’Égyptien.
« Un hôte inattendu ! dit Glaucus en se levant avec un sourire forcé.
– Rien de plus simple lorsqu’on est sûr d’être bien reçu, répondit Arbacès en s’asseyant et en engageant Glaucus par un signe à en faire autant.
– Je suis bien aise, dit Ione, de vous voir ensemble à la fin car vous êtes faits pour vous comprendre et pour devenir amis.
– Rendez-moi une quinzaine d’années, répliqua l’Égyptien, avant de me comparer à Glaucus. J’accepterais volontiers son amitié ; mais que lui offrirais-je en retour ? Aurions-nous les mêmes confidences à nous faire ? Lui parlerais-je de banquets et de guirlandes de fête, de coursiers parthes, des chances du jeu ? Ce sont là les plaisirs habituels à son âge, à sa nature, à ses goûts ; ce ne sont pas les miens. »
En parlant ainsi, l’astucieux Égyptien baissa les yeux et soupira ; mais du coin de l’œil, il regarda Ione pour voir comment elle accueillerait ces insinuations sur les goûts de son visiteur ; et l’air d’Ione ne le satisfit pas. Glaucus, dont les joues se colorèrent légèrement, s’empressa de répondre avec gaieté. Il avait aussi sans doute le désir de déconcerter et d’humilier l’Égyptien.
« Vous avez raison, sage Arbacès, dit-il ; nous pouvons nous estimer l’un l’autre mais nous ne saurions être amis ; mes banquets manquent de ce sel mystérieux qui, si l’on en croit la rumeur publique, assaisonne les vôtres. Et, par Hercule, lorsque j’aurai vos années, si comme vous je crois sage de rechercher les plaisirs de l’âge mûr, je lancerai aussi le sarcasme sur les galantes folies de la jeunesse. »
L’Égyptien jeta à Glaucus un regard rapide et perçant.
« Je ne vous comprends pas, dit-il froidement ; mais les gens d’esprit ont souvent l’habitude de s’envelopper d’obscurité. »
Il détourna la tête à ces mots avec un sourire presque imperceptible et après un instant de silence, il s’adressa à Ione :
« Je n’ai pas été assez fortuné, belle Ione, pour vous rencontrer chez vous les deux ou trois dernières fois que je suis venu pour vous rendre visite.
– La douceur de la mer m’avait tentée de sortir » reprit Ione avec un léger embarras. Cet embarras n’échappa pas à Arbacès ; mais sans paraître le remarquer, il reprit en souriant :
« Vous savez que le vieux poète a dit : « Les femmes doivent rester dans leur maison et y converser. {17} »
– Ce poète était un cynique, dit Glaucus : il haïssait les femmes.
– Il parlait selon la coutume de son pays et ce pays était votre Grèce si vantée.
– Autres temps autres mœurs ; si nos ancêtres avaient connu Ione, ils auraient suivi une autre loi.
– Avez-vous appris ces manières galantes à Rome ? dit Arbacès avec une émotion mal déguisée.
– Ce n’est pas du moins en Égypte que je serais allé apprendre la galanterie, répondit Glaucus en jouant nonchalamment avec sa chaîne.
– Allons, allons, » dit Ione en s’empressant d’interrompre une conversation dont le commencement ne répondait pas au désir qu’elle avait de cimenter une amitié réelle entre Glaucus et l’Égyptien ; « allons, allons, il ne faut pas qu’Arbacès soit si sévère pour sa pauvre pupille. Orpheline, élevée sans les soins d’une mère, je puis être blâmée de l’indépendance de ma vie plus convenable pour un homme que pour une femme ; cependant c’est celle à laquelle les femmes romaines sont accoutumées et que les Grecques auraient raison d’adopter. Hélas ! est-ce donc seulement chez les hommes qu’on peut voir la liberté et la vertu réunies ? L’esclavage, votre perte, serait-il donc considéré comme notre salut ? Ah ! Croyez-moi, ç’a été
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