Les Derniers Jours de Pompéi
bonheur que je prie les dieux de te conserver toujours, je vais te demander un service.
– Ah ! que puis-je faire pour vous ? dit Nydia en joignant ses mains.
– Écoute-moi, reprit Glaucus ; toute jeune que tu es, tu seras ma confidente. As-tu jamais entendu prononcer le nom d’Ione ? »
La jeune aveugle demeura oppressée et pâle comme une des statues qui entouraient le péristyle. Après un moment de silence, elle répondit avec effroi :
– Oui, j’ai entendu dire qu’elle est de Néapolis et qu’elle est belle.
– Bien belle ! Une beauté à éblouir le jour. Elle est de Néapolis, oui, mais Grecque d’origine ; la Grèce seule peut produire de si admirables créatures. Nydia, je l’aime.
– Je le pensais, dit Nydia avec calme.
– Je l’aime, et tu le lui diras. Je vais t’envoyer chez elle. Heureuse Nydia ! tu pénétreras dans sa chambre… tu t’enivreras de la musique de sa voix… tu te baigneras dans l’air radieux qui l’entoure…
– Eh quoi ! vous voulez me séparer de vous ?
– Tu seras chez Ione », poursuivit Glaucus, d’un ton qui voulait dire : « Que peux-tu désirer de plus ? »
Nydia fondit en larmes.
Glaucus, se levant, l’attira vers lui avec les douces caresses d’un frère.
« Mon enfant, ma douce Nydia, tu pleures dans l’ignorance du bonheur que je te ménage ; Ione est aimable et bonne, et douce comme le souffle du printemps. Elle sera une sœur pour ta jeunesse. Elle appréciera tes talents enchanteurs… elle aimera plus que personne tes grâces simples, parce qu’elles ressemblent aux siennes. Tu pleures toujours. Je ne prétends pas te forcer, ma douce enfant ; ne veux-tu pas me faire cette faveur ?
– Je suis ici pour vous servir ; commandez. Voyez, je ne pleure plus. Je suis calme.
– Je reconnais ma Nydia, reprit Glaucus en lui baisant la main. Va donc vers Ione. Si je t’ai abusée sur sa tendresse… si c’est une erreur de ma part, tu reviendras chez moi quand tu le voudras. Je ne te donne pas à une autre ; je ne fais que te prêter. Ma maison sera toujours ton refuge, douce fille. Oh ! que ne peut-elle abriter tous les malheureux sans amis ! Mais, si mon cœur ne me trompe pas, tu reviendras bientôt chez moi, mon enfant ! ma maison sera celle d’Ione, et tu demeureras avec nous. »
Un frisson parcourut de la tête aux pieds le corps de la pauvre aveugle ; mais elle ne pleura pas. Elle était résignée.
« Va donc, ma Nydia, à la demeure d’Ione… on t’en montrera le chemin. Prends les plus belles fleurs que tu pourras cueillir. Je te donnerai le vase qui les contiendra. Tu m’excuseras de son peu de valeur. Tu prendras aussi le luth que je t’ai donné hier, et dont tu sais si bien éveiller le doux esprit. Tu lui remettras aussi cette lettre, dans laquelle, après bien des efforts, j’ai essayé d’introduire quelques-unes de mes pensées. Que ton oreille écoute chaque accent, chaque modulation de sa voix, et tu me diras, lorsque nous nous reverrons, si leur musique est favorable ou décourageante. Je n’ai point été admis près d’Ione depuis quelques jours ; il y a quelque chose de mystérieux dans cette exclusion. Je suis tourmenté par des doutes et des craintes ; apprends, car tu es adroite et l’intérêt que tu prends à moi augmentera ton adresse, apprends la cause de cette cruauté ; parle de moi aussi souvent que tu le pourras ; que mon nom erre toujours sur tes lèvres ; insinue mon amour plutôt que de le proclamer. Écoute si elle soupire pendant que tu parles, si elle te répond, ou si elle te blâme ; de quelle manière elle le fait. Sois mon amie ; plaide en ma faveur. Oh ! combien tu payeras au centuple le peu que j’ai fait pour toi ! Tu me comprends, Nydia ? Mais tu es encore un enfant. Peut-être en ai-je dit plus que tu ne peux comprendre ?
– Non.
– Et tu me serviras ?
– Oui.
– Viens me retrouver lorsque tu auras cueilli les fleurs, et je te donnerai le vase dont je t’ai parlé. Je serai dans la chambre de Léda. Ma jolie Nydia, tu n’as plus de chagrin ?
– Glaucus, je suis une esclave ; ai-je le droit d’avoir de la joie ou du chagrin ?
– Ne parle pas ainsi. Non, Nydia. Sois libre. Je te donne la liberté ; jouis-en comme tu voudras, et pardonne-moi si j’ai compté sur ton désir de me rendre service.
– Vous êtes offensé ? Oh ! je ne voudrais pas, pour toutes les faveurs de la liberté, vous offenser, Glaucus… Mon
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