Les Derniers Jours de Pompéi
gardien, mon sauveur, mon protecteur, pardonne à la pauvre fille aveugle… Elle ne se plaindra pas même de te quitter, si elle peut contribuer à ton bonheur.
– Que les dieux bénissent ton cœur tendre ! » dit Glaucus profondément ému ; et, sans se douter de la flamme qu’il excitait, il embrassa Nydia plusieurs fois sur le front.
« Vous me pardonnez donc ? lui dit-elle ; et vous ne me parlerez plus de liberté. Mon bonheur est d’être votre esclave, et vous avez promis que vous ne me donnerez pas à un autre.
– Je l’ai promis.
– Maintenant, je vais cueillir des fleurs. »
Nydia prit bientôt en silence des mains de Glaucus le vase riche et artistement travaillé, dans lequel les fleurs rivalisaient de couleurs et de parfums ; elle reçut sans verser une larme ses dernières instructions. Elle s’arrêta un moment lorsqu’il se tut. Elle n’osa pas répondre. Elle chercha sa main, la porta à ses lèvres, couvrit sa figure de son voile et s’éloigna de lui. Elle s’arrêta de nouveau sur le seuil, étendit ses mains vers la maison, et dit à voix basse :
« Trois jours heureux… trois jours d’un inexprimable bonheur se sont écoulés depuis que je t’ai franchi, ô seuil béni ! puisse la paix demeurer toujours avec toi pendant mon absence ! Pour moi, mon cœur se déchire en te quittant, et le soupir qu’il fait entendre semble me dire de mourir. »
Chapitre 6
L’heureuse beauté et l’esclave aveugle
Une esclave entra dans la chambre d’Ione et annonça la messagère de Glaucus.
Ione hésita un instant.
« Elle est aveugle, cette messagère, dit l’esclave, et ne veut confier son message qu’à vous seule. »
Bas est le cœur qui ne respecte pas le malheur des autres. En entendant que la messagère était aveugle, Ione sentit qu’il lui était impossible de la renvoyer avec une dure réponse. Glaucus avait choisi une messagère sacrée, qu’on ne pouvait refuser de recevoir.
« Que peut-il me vouloir ? quel message peut-il m’envoyer ? » Et le cœur d’Ione palpitait vivement. Le rideau de la porte fut tiré ; un pas doux et sans écho glissa sur le marbre, et Nydia, accompagnée d’une des suivantes d’Ione, entra avec ses précieuses fleurs.
Elle s’arrêta un moment, comme si elle attendait un son qui la dirigeât vers Ione.
« La noble Ione, dit-elle d’une voix douce et timide, voudrait-elle me parler, afin que je puisse savoir de quel côté diriger mes pas enveloppés d’obscurité, et déposer à ses pieds mon offrande ?
– Belle enfant, dit Ione touchée et avec douceur, ne te donne pas la peine de traverser ce pavé glissant ; mon esclave m’apportera ce que tu as à me présenter. »
Et elle fit signe à sa suivante de prendre le vase.
« Je ne doit remettre ces fleurs qu’à toi-même », répondit Nydia et, guidée par son oreille, elle arriva lentement près d’Ione, et, s’agenouillant devant elle, lui remit le vase.
Ione le prit de sa main et le plaça sur la table à côté d’elle. Elle releva gracieusement Nydia et voulut la faire asseoir à ses côtés mais la jeune fille refusa modestement de le faire.
« Je n’ai encore accompli que la moitié de ma mission, dit-elle et elle tira la lettre de Glaucus de sa ceinture. Ceci vous expliquera peut-être, ajouta-t-elle, pourquoi celui qui m’envoie a choisi une messagère si peu digne d’Ione. »
La Napolitaine prit la lettre d’une main si tremblante, que Nydia en sentit le frémissement et qu’elle en soupira. Les bras croisés et la tête inclinée, elle se tenait debout devant l’orgueilleuse et majestueuse Ione, non moins fière, peut-être, dans son attitude de soumission. Ione d’un geste éloigna sa suivante ; elle jeta un nouveau regard sur la jeune et belle esclave, un regard de surprise et de compassion puis, s’écartant un peu d’elle, elle ouvrit et lut cette lettre :
Glaucus écrit à Ione ce qu’il n’ose lui dire. Ione est-elle malade ? ses esclaves assurent que non, et cette assurance me console. Glaucus a-t-il offensé Ione ?… Ah ! cette question je ne puis la leur adresser ! Voilà cinq jours que je suis banni de ta présence !… Le soleil a-t-il paru ? je n’en sais rien. Les cieux ont-ils souri ? ils n’ont pas eu, du moins, de sourire pour moi. Mon soleil et mes cieux, c’est Ione. Est-ce que je t’ai offensée ? suis-je trop audacieux ? ces tablettes oseront-elles exprimer ce que ma langue a
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