Les Derniers Jours de Pompéi
croire aux paroles d’Arbacès ? n’avait-elle pas refusé à Glaucus le droit qu’a tout accusé de se défendre, de plaider sa cause ? Des larmes roulèrent le long de ses joues… Elle baisa la lettre, elle la mit dans son sein, et, se tournant vers Nydia, qui était restée à la même place et dans la même attitude :
« Asseyez-vous, mon enfant, dit-elle, pendant que je vais écrire une réponse à cette lettre.
– Vous allez donc répondre ? dit froidement Nydia. En ce cas, l’esclave qui m’a accompagnée rapportera votre réponse…
– Pour vous, ajouta Ione, restez avec moi… Vous pouvez être assurée que votre service sera doux. »
Nydia inclina la tête.
« Quel est votre nom, belle enfant ?
– On m’appelle Nydia.
– Votre pays ?
– La terre de l’Olympe… la Thessalie.
– Vous serez mon amie, dit Ione d’un ton caressant, vous qui êtes déjà à moitié ma compatriote. Mais je vous prie de ne pas rester sur ces marbres froids et polis ; venez ici. Maintenant que vous êtes assise, je puis vous quitter un instant. »
Lettre d’Ione à Glaucus :
Venez me voir, Glaucus ; venez me voir demain matin. J’ai pu être injuste envers vous, mais je vous apprendrai, du moins, les torts qu’on vous a attribués. Ne redoutez pas l’Égyptien ; ne redoutez personne. Vous dites que vous avez exprimé trop de choses dans votre lettre… Hélas ! dans ce peu de mots écrits à la hâte, j’en ai fait autant. Adieu.
Lorsque Ione revint avec cette lettre, qu’elle n’osa pas relire après l’avoir écrite (imprudence ordinaire, timidité naturelle de l’amour), Nydia se leva vivement de son siège.
« Vous avez écrit à Glaucus ?
– Je l’ai fait.
– Aura-t-il lieu de remercier le messager qui lui portera votre lettre ? »
Ione oublia que sa compagne était aveugle ; elle rougit du front jusqu’au cou, et garda le silence.
« Je veux dire, ajouta Nydia d’une voix plus calme, que, de votre main, les mots les plus légèrement empreints de froideur l’attristeront, et que la marque la plus faible de tendresse le remplira de joie. Si c’est de la froideur, que l’esclave emporte la réponse. Si vous lui marquez de l’intérêt, laissez-moi m’en charger… Je reviendrai ce soir.
– Pourquoi donc, Nydia, dit Ione d’une façon évasive, voudrais-tu porter cette lettre ?
– Alors je le vois, votre tendresse a parlé, dit Nydia. Comment en pourrait-il être autrement ? Qui donc se montrerait insensible pour Glaucus ?
– Mon enfant, dit Ione avec un peu plus de réserve, tu parles avec chaleur ! Glaucus est donc bien aimable pour toi ?
– Noble Ione, Glaucus a été pour moi ce que ni la fortune ni les dieux n’ont été… un ami. »
La tristesse mêlée de dignité avec laquelle Nydia prononça ces simples mots, toucha profondément la belle Ione. Elle se pencha vers elle et l’embrassa.
« Tu es reconnaissante, dit-elle, et à bon droit. Pourquoi rougirais-tu de dire que Glaucus est digne de ta gratitude ? Va, ma Nydia, porte-lui toi-même cette lettre, mais reviens chez moi. Si je ne suis pas dans ma demeure à ton retour, comme cela peut arriver ce soir, ta chambre sera préparée près de la mienne. Nydia, je n’ai pas de sœur, veux-tu être la mienne ? »
La Thessalienne baisa la main d’Ione, et lui dit avec un peu d’embarras :
« Une faveur, belle Ione : puis-je implorer de vous une faveur ?
– Tu ne me demanderas rien que je ne veuille t’accorder, répliqua la Napolitaine.
– On dit, reprit Nydia, que vous êtes belle au-dessus de toute beauté de la terre ; hélas ! je ne puis voir ce qui réjouit le monde. Voulez-vous me permettre de passer ma main sur votre visage ? C’est ma seule manière de connaître la beauté, et je me trompe rarement. »
Elle n’attendit pas la réponse d’Ione et, tout en parlant, elle passa lentement et doucement sa main sur les traits penchés et à moitié détournés de la Grecque, traits qu’une seule image dans le monde peut dépeindre et rappeler ; cette image est la statue mutilée ; mais toujours merveilleuse, de sa cité natale, de sa ville de Néapolis, cette figure en marbre de Paros {34} , près de laquelle toute la beauté de la Vénus de Florence est pauvre et terrestre, ce visage plein d’harmonie, de jeunesse, de génie, d’âme, que des critiques modernes ont prétendu être la représentation de Psyché. Sa main toucha légèrement les cheveux
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