Les Derniers Jours de Pompéi
essayaient de la convertir. Comme il n’y a rien de plus flatteur, pour l’orgueil et les espérances des hommes, que la foi dans un état à venir, rien ne pouvait être plus vague et plus confus que les notions des sages du paganisme sur ce mystique sujet. Apaecidès avait déjà appris que la croyance des philosophes n’était pas celle du vulgaire ; que, s’ils reconnaissaient en secret un pouvoir divin, ils ne s’associaient pas réellement au culte dont ils croyaient la pratique utile au reste des hommes. Il avait déjà appris que le prêtre lui-même tournait en ridicule ce qu’il prêchait au peuple ; que les idées du petit nombre et celles de la majorité ne s’accordaient jamais. Mais, dans cette nouvelle religion, il lui semblait que, philosophes, prêtres, peuple, ceux qui expliquaient la croyance et ceux qui la suivaient, agissaient de concert ; ils ne spéculaient pas, ils ne raisonnaient pas sur l’immortalité ; ils l’admettaient comme une chose évidente et assurée ; la magnificence de la promesse l’éblouissait et adoucissait sa douleur. Car la foi chrétienne eut pour premiers apôtres des pécheurs. Parmi les pères et les martyrs, beaucoup avaient connu l’amertume du vice ; ils avaient cessé d’être entraînés par ses faux attraits loin des sentiers d’une vertu austère et irréprochable. Toutes les espérances de cette foi bienfaisante invitaient au repentir. Elles étaient particulièrement faites pour guérir les esprits malades et brisés ; les remords qu’Apaecidès ressentait au souvenir de ses derniers excès le disposaient à s’incliner devant un homme qui trouvait de la sainteté même dans ce remords, et qui parlait de la joie du ciel à l’esprit d’un pécheur repentant.
« Venez, dit le Nazaréen, en s’apercevant de l’effet qu’il avait produit, venez dans l’humble lieu de nos assemblées, peu nombreuses encore, mais composées de cœurs d’élite ; écoutez nos prières ; observez la sincérité de nos larmes de repentir ; prenez part au simple sacrifice, où nous n’offrons ni victimes ni guirlandes, mais où nous déposons nos âmes tout entières. Ces fleurs que nous répandons sur cet autel de notre cœur ne sont pas périssables : elles s’épanouissent encore quand nous ne sommes plus ; oui, elles nous accompagnent au-delà du tombeau ; elles renaissent sous nos pas dans le ciel, elles nous enivrent par leur parfum éternel, car elles viennent de l’âme et elles participent à sa nature. Ces offrandes sont les tentations surmontées, les péchés rachetés par le repentir. Viens, oh ! viens, ne perds pas un instant de plus ; dispose-toi déjà pour le grand, le redoutable voyage des ténèbres à la lumière, des chagrins au bonheur, de la corruption à l’immortalité ! C’est aujourd’hui le jour du Seigneur, un jour que nous avons consacré à nos dévotions. Quoique nous ne nous réunissions ordinairement que la nuit, quelques-uns d’entre nous pourtant sont assemblés à cette heure. Quelle joie, quel triomphe ce sera pour nous tous, si nous pouvons ramener une brebis égarée dans le sacré bercail ! »
Apaecidès, dont le cœur était naturellement si pur, fut frappé de ce qu’il y avait de bienveillant et de généreux dans l’esprit qui animait les paroles d’Olynthus ; en le voyant placer son bonheur dans le bonheur des autres, et dans sa vaste compréhension chercher des compagnons pour l’éternité, il fut touché, consolé, subjugué. Il n’était pas d’ailleurs dans une situation d’âme à rester seul. Et puis la curiosité aussi se joignait à ces sentiments plus élevés. Il souhaitait vivement de voir ces rites sur lesquels on faisait courir tant de bruits sinistres et contradictoires. Il s’arrêta un moment, jeta un coup d’œil sur son costume, songea à Arbacès, éprouva un frisson d’horreur, fixa ses yeux sur le large front du Nazaréen inquiet, et dont les traits exprimaient une noble et fraternelle attente pour son bonheur et pour son salut. Il jeta son manteau autour de lui, de manière à cacher sa robe, et dit :
« Conduis-moi ; je te suis. »
Olynthus lui serra la main avec joie, et, descendant avec lui vers la rivière, il héla une des barques qui y séjournaient constamment ; les deux nouveaux amis y entrèrent et s’assirent sous une tente en toile, qui servait en même temps à les protéger contre le soleil : ils fendirent rapidement les eaux. Dans
Weitere Kostenlose Bücher