Les dîners de Calpurnia
pas grand-chose, qu'on accusera plus tard d'avoir lui-même incendié sa ville et qui, au cours des sept jours que durera l'effroyable épreuve, se dépensera sans compter pour venir en aide aux plus malheureux ! Plus étonnant : des passants le reconnaîtront, la nuit, vêtu d'un manteau sombre, parcourant les quartiers br˚lés, seul, sans garde, sans escorte, à la merci de ses ennemis.
Tellement seul qu'aucun d'entre eux n'osera profiter de l'occasion pour l'assassiner.
Néron, durant ces jours tragiques, faisait son métier de César. Il n'avait pas, comme on le lui conseillait, regagné sa résidence du bord de mer pour fuir la fournaise. Il était resté dans la capitale pour y diriger personnellement le ravitaillement, ordonner la réquisition des vivres entreposés à Ostie, le port de Rome. Il s'agissait aussi de déblayer les amas de ruines qui encombraient la cité et de penser sans attendre à la reconstruction.
une obsession. Néron F "-pereur s'impose à . e^ar, peut-être, les ï" donné
leur nom à un " A un temple étaient
tainement sa marque "fans rHbx‚re. mais c'était bien pauvre chose d'attacher son régne à une catastrophe II se jura de demeurer dans les mémoires comme le reconstructeur de la ville, le plus grand b
‚tisseur de l'histoire romaine. Il était, certes, porté à croire son entourage qui lui répétait qu'il était le plus grand compositeur, le plus grand musicien, le plus grand poéte qu'eut jamais connu Rome depuis sa fondation. Il ne doutait pas que son nom cuperait Tune de- - ' ' eures places, sinon la premiére, - ï "V*:"t=tL-r if
'"ne \oix intérieure le
pous-
'.f de musique, à céder sa ï le plus célébre de son tdr chant, à supprimer les \ ses cordes vocales et même it paraître en public, vêtu de elle des citharédes. En fait, bien "plus gratifiants les succés immédiats du . Néron avait toujours aimé b‚tir. Il lui restait une r-jvre grandiose à réaliser mais il avait déjà fait élever >ur le Capitole un arc de triomphe en commémoration de la défaite infligée aux Parthes et construit l'Arcus Nero-niani, le magnifique aqueduc qui alimentait en eau le Palatin. Son projet le plus cher était de prolonger jusqu'à Ostie les murs de Rome et, par le tracé d'un canal, de faire entrer la mer dans la vieille ville. L'incendie, qui ne laissait intacts que quatre quartiers sur les quatorze composant la capitale du monde antique, lui donnait la chance d'accomplir l'úuvre de sa vie : la reconstruction d'une cité embellie présentant des conditions d'hygiéne, de confort et de sécurité tout à fait nouvelles.
Un mois avait passé depuis la catastrophe. Presque tous les gravats, poutres calcinées et autres débris avaient été évacués sur Ostie par bateaux, ceux-ci revenant chargés de matériaux neufs et de nourriture. La ville ressemblait par endroits à un désert charbonneux. Il ne restait que le vide du désespoir et le désespoir était, comme toujours aprés les désastres, source de rumeurs. Un feu d'une telle ampleur ne pouvait, aux yeux du peuple, qu'être d'origine criminelle. Il fallait un coupable à
l'opinion publique. Personne n'accusait Néron auquel son intervention énergique valait au contraire le respect de tous. La légende du César incendiaire ne prendra naissance que bien plus tard, et pour des raisons politiques précises, lorsque la dynastie des Flaviens, avec Ves-pasien, jugera utile de détruire l'image d'un Néron malgré tout populaire. Pour l'heure, il fallait trouver des coupables crédibles et facilement punissables : la rumeur accusa vite les chrétiens. C'est cette question que débattaient ce jour-là Néron et ses conseillers dans un coin du grand triclinium^, endroit préféré de l'Empereur dans ce palais du Palatin auquel il ne s'était jamais vraiment habitué.
- Ces bruits sont-ils fondés ? demanda César.
- Ils ne seront fondés, seigneur, que lorsque tu leur accorderas du crédit, répondit Tigellin. Politiquement, les chrétiens font de bons coupables. Les Romains ne les aiment pas, ils les considérent comme une sous-secte juive.
Jusqu'à aujourd'hui, ils ont vécu tranquillement à Rome o˘ le délit de religion n'a jamais existé, mais les choses pourraient changer. Puisqu'il faut trouver un exu-toire au peuple, privé de jeux et de spectacles depuis l'incendie, pourquoi pas les chrétiens ?
- Oui, pourquoi pas ? Mais l'initiative d'une culpabilité des chrétiens ne peut venir ni du palais
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