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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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un chemin à travers la foule, il ne tenait pas un carton
marqué mendelsohn, mais m'a
entouré de ses bras puissants et m'a serré contre lui à me couper le souffle.
Je lui ai souri : j'étais content de le revoir. Une des choses qui, pendant ce
dernier voyage à L'viv, m'épargnaient la sensation épuisante de
« revenir », c'était la perspective de passer beaucoup de temps avec
Alex. Je le considérais comme un ami et, comme tel, je pensais pouvoir lui
parler d'un certain nombre de questions qui avaient surgi au cours de ma
recherche, celle de la nature délicate des relations entre Ukrainiens et Juifs,
avant et après la guerre, n'étant pas la moindre. Lorsque j'avais écrit un
article sur notre premier voyage à L'viv, trois ans plus tôt, j'avais voulu
souligner le contraste entre le refrain que j'avais toujours entendu mon
grand-père répéter –  les Allemands étaient méchants, les Polonais
étaient pires, mais les Ukrainiens étaient les pires de tous (et comment
pouvait-il le savoir de toute façon ? qu'est-ce qu'il avait entendu dire ?)
– et la réception à laquelle nous avions eu droit partout où nous étions
allés en Ukraine, la chaleur spontanée, la générosité et l'amitié que chaque
Ukrainien rencontré nous avait manifestées. Il me semblait que le contraste
avait quelque chose à voir avec un point spécifique de l'histoire et aussi avec
le temps de façon plus générale. Sans aucun doute parce que je me situe
entièrement en dehors de l'événement, il est possible pour moi de penser que
des choses faites par certains et même de nombreux Ukrainiens pendant la guerre
étaient le résultat de circonstances historiques très spécifiques, et il est
difficile pour moi de croire que les atrocités commises par les Ukrainiens
contre les Juifs en 1942 sont une expression naturelle d'un caractère essentiel­lement
ukrainien, pas plus que je ne peux croire que les atrocités des Serbes commises
contre les musulmans de Bosnie en 1992 sont une expression naturelle d'un
caractère essentiellement serbe. Je suis donc, peut-être naïvement, peu enclin
à condamner les « Ukrainiens » en général, même si je sais que de
nombreux Ukrainiens ont commis des atrocités. Toutefois, je suis prêt à
accepter d'autres généralisations, par exemple celle qui concerne le
ressentiment féroce d'une classe de gens qui, à la fois, ont été des
subalternes et se sont perçus comme tels, particulièrement lorsque ces gens ont
subi une oppression intolérable – celle imposée par Staline qui a
délibérément fait mourir de faim entre cinq et sept millions d'Ukrainiens de
1932 à 1933, ce qui constitue une tragédie nationale qui a galvanisé les
Ukrainiens, tout comme l'Holocauste est une tragédie nationale qui a galvanisé
les Juifs –, ce ressentiment féroce d'une telle classe de gens, dans des
circonstances particulières, pourra exploser en sauvagerie bestiale contre ceux
qu'ils jugent responsables de leurs souffrances, même si c'est parfaitement
injuste. Et, je le sais, il est plus facile de tenir pour responsables ceux qui
sont nos intimes.
    Plus généralement, je pensais que la différence entre Les
Ukrainiens étaient les pires de tous et ce que nous avons découvert lorsque
mes frères, ma sœur et moi sommes allés en Ukraine et y avons été si bien
traités par des Ukrainiens qui savaient que nous étions juifs était clairement
liée au sujet qui m'intéressait, c'est-à-dire ce qui se perd avec le passage du
temps. Pour moi, il est évident que les habitudes et les attitudes culturelles
sont, elles aussi, érodées par le temps, et même s'il est vrai qu'un
antisémitisme féroce a fait rage au sein de la population ukrainienne d'endroits
comme Bolechow, je voulais croire que ce n'était plus le cas – que je
n'avais pas plus de raisons de craindre de voyager en Ukraine que de voyager en
Allemagne, même si certains des survivants que je connaissais m'avaient mis en
garde. Soyez très prudent quand vous retournerez là-bas, m'avait averti
Meg, au moment où nous nous apprêtions à repartir d'Australie. Pourquoi,
avais-je demandé, vous pensez qu'ils haïssent encore les Juifs ? Elle m'avait
jeté un regard un peu las et avait dit, C'est peu dire.
    Et, en effet, certains des survivants à qui j'avais fait
part de mon amitié pour Alex et, plus généralement, de la réception plaisante
des Ukrainiens, m'avaient ri au nez ou, pire, dit que les Ukrainiens n'avaient
été

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