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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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préfère les Goddons qui, déjà, en ont assez de l’Espagne et parlent de revenir à Bordeaux.
    Se pouvait-il que la grande, l’immense compagnie dite blanche alors qu’elle ne cessait de s’asperger de rouge, fût sur le point d’éclater ?
    –  Ta réponse, Naudon, me semble insuffisante. Pourquoi galopez-vous en avant ?
    Bagerant hésita. Une image insidieuse se glissa dans l’esprit de Tristan : celle d’une épée luisante d’acier et de sang. Un bran 14 avec lequel on étêtait un homme. Allons, la passion du mal, comme toujours, animait cet homme-là. Et sa révélation se fit dans un rire :
    –  Le comte de la Marche compte davantage sur moi que sur toi pour obtenir vivant cet arbalétrier qui tua la reine Blanche… Oh ! rassure-toi : je ne m’en saisirai pas, si je m’en saisis, pour une fortune… Non : je recevrai, en échange, des lettres de rémission pour ce que tu appelles mes crimes… Il paraît que le roi Charles me les accordera si j’attrape le meurtrier de sa cousine.
    Tristan se sentit rassuré. La capture de Juan Pérez de Rebolledo n’avait été pour lui qu’un prétexte habile pour fuir Burgos au bon moment et sauver Simon et Teresa d’une mort qu’il avait crue certaine. Il vit avec plaisir les trois malandrins remonter en selle et répondit d’un remuement de main à leurs sourires certainement insincères. « Allez au diable ! » souhaita-t-il, anxieux.
    –  Ouf ! fit Paindorge en s’approchant quand les indésirables eurent disparu. Si j’ai à faire un vœu messire, c’est que nous ne les retrouvions point à Tolède.
    –  Pas seulement à Tolède, Robert. Mais nulle part ailleurs… Jamais, jusqu’au Jugement dernier.
    Levant les yeux vers le ciel nu, immobile, Tristan douta que Dieu l’eût entendu.
    *
    Soudain, alors que le grand chemin quelquefois bordé d’ifs s’inclinait parmi des prairies qu’ombrageaient de gros boqueteaux de pins et de chênes verts, une petite montagne apparut dont l’ocre pâle se tachetait d’un peu de glauque.
    –  Toledo ! s’écria Simon, le bras tendu sous celui de Petiton qui l’avait pris en croupe.
    –  Une lieue, peut-être moins, dit Serrano.
    Jusque-là, ses évaluations s’étaient révélées convenables.
    –  Je crois, dit Lebaudy, que nous avons gagné. Pas vrai, messire ?
    Tristan n’osa se prononcer. Bagerant et ses compères devant, Guesclin et sa horde immense derrière. Tant qu’il n’aurait pas franchi les murs de cette cité dont le nom merveillait ses compagnons, il se sentirait et sentirait Simon et Teresa en mortel danger. Cependant, il regarda lui aussi, vers le sud, l’espèce de cein ture gris-rose, indécise, que des arbres de loin en loin dissimulaient à ses yeux.
    –  Toledo ! répéta Simon, cette fois tourné vers sa sœur.
    À distance, au-delà du velours des prés striés par quelques vignes, la ville convoitée par le Trastamare s’auréolait, dans l’esprit de cet enfant menacé, de toute la magie de ces trois syllabes, To le do, plus gaies, plus attrayantes dans sa langue natale que dans les deux syllabes franques. Songeant au chemin parcouru, Tristan se dit que la France était loin. Chaque nouvelle lieue franchie tant bien que mal creusait l’abîme qui maintenant le séparait de Luciane. Il avait traversé un pays de pierrailles grises, de gravières couleur de soufre, de terres si rouges qu’on les eût dites composées de boues sanglantes soudainement pétrifiées entre d’ondulantes montagnes. À l’aube, des mousselines erraient au ras du sol. Tièdes avant même que le soleil se fut essoré dans un ciel infiniment vaste. Derrière ces montagnes, d’autres montagnes, plus hautes, comme une muraille inaccessible, citadelle de géants tavelée de neiges trop blanches, semblables à des coulées d’émail ou de nacre sur un fond de nuées de cinabre et de cuivre. Chacun de ses réveils empirait son humeur. Il se sentait atteint d’une mélancolie violente, immédiate, comme une sagette qui l’eût frappé sans le pénétrer ; mais ce coup orbe lui faisait plus mal au cœur que si le fer et le bois tout entier, l’empenne même, l’eussent traversé de part en part.
    « Je me refuse à appléger 15 cette guerre… et pourtant je suis là, disposé à faire le bien quand nos gens de grosse renommée font le mal joyeusement. »
    Il n’appréciait même plus, comme au début de son passage en Espagne, le moment où le soleil du matin et

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