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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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le soleil du soir éparpillaient généreusement leurs ors et leurs argents, leurs braises et leurs fumées teintées de vermillon. La suavité de l’air, sa légèreté, l’odeur des herbes et des feuilles neuves, emperlées, lui devenaient indifférentes.
    –  Il faudra, dit-il, une fois dans Tolède, nous accorder le repos dont nous avons besoin. Nos chevaux eux aussi sont hodés 16 .
    –  En quel lieu ? demanda Paindorge.
    –  Je n’en sais rien, mais nous irons chez Pedro del Valle, l’armurier dont Ogier d’Argouges m’a tant parlé. Je suis sûr qu’il est un honnête homme. Et comme nous en sommes également, j’ai bon espoir qu’il nous aidera.
    –  Et si Pèdre est encore dans les murs ? demanda Petiton auquel, peut-être, Simon venait de poser la question.
    Tristan s’adressa tout d’abord à Teresa dont les sommeils brefs, agités, n’avaient cessé de l’inquiéter depuis Burgos :
    –  Pèdre est certainement effrayé. Il ne doit avoir qu’un dessein : gagner Séville ou quelque autre refuge. Non seulement il s’y sentira en sécurité, mais il y rassemblera une armée capable de s’opposer à l’avance du Trastamare et – qui sait ? – de le vaincre au grand dam de Guesclin. Cet homme est possédé d’une haine terrible : il trouvera les moyens de se revancher. Nous ne pouvons dénombrer les forcenés qui lui sont acquis et je crains que tous nos prud’hommes et les ricos hombres ne soient aussi perplexes que nous le sommes. L’Espagne est un piège !
    –  Elle le devient pour nous, les Juifs, également, dit de loin Teresa.
    Babiéca s’était laissé distancer. Il réapparut à la dextre de Tristan avec sa cavalière.
    –  Le roi de France est coupable. Cette guerre n’aboutira qu’à notre humiliation. Elle n’est pas la mienne, pas la nôtre – vous y compris, m’amie. Elle ne s’achèvera qu’au profit des routiers et de leur chef suprême !
    Teresa se garda d’insister. Devant elle, devant eux, Tolède commençait à prendre de la hauteur et du relief. Ils distinguaient maintenant, de proche en proche, l’enceinte de la cité comme pétrie de poudre jaune et bourrelée de tours certainement ouvertes à la gorge 17 .
    –  Solide… dit simplement Tristan.
    Seule Carcassonne-la-Grise lui avait fourni, d’aussi loin, la même sensation de vigueur, de gloire et de hautaineté ; une impression de solitude et d’isolement aussi : quiconque quittait ces murailles ne pouvait à l’entour passer inaperçu. Mais Carcassonne n’était point hérissée de flèches, de coupoles, de tours et de tourelles, de clochers et clochetons. Carcassonne était une citée horizontale ; Tolède la Chrétienne semblait vouloir monter au ciel de toute la vigueur de ses pierres, de ses tuiles, voire de ses arbres souvent esseulés, pointus comme des épieux.
    –  Ça m’a l’air beau, dit Eudes.
    –  Sans doute, approuva Yvain Lemosquet, mais défions-nous de cette beauté-là… comme de toute autre.
    Il y eut deux rires : Serrano et Paindorge. Penché sur l’encolure d’Alcazar, entre Lebaudy et Teresa dont les chevaux dodelinaient de la tête avec une sorte de satisfaction ou d’impatience, Tristan regarda cette ville qui semblait venir à lui dans ses atours rosâtres et lumineux, plutôt qu’il ne s’approchait d’elle. Il y avait des gens, maintenant, de loin en loin, surgis de chemins creux et poudreux. Des chariots tirés par des bœufs ou des chevaux. Le retroussis de leurs bannes et les claires-voies de leurs ridelles révélaient des barriques, des planches, des balles de marchandises invisibles. Ils roulaient vers Tolède dans un grincement d’essieux entrecoupé de claquements de fouet. Des chiens maigres trottaient sous la caisse de ces charrois et des enfants les suivaient dans des cris de gaieté ou de chamaille cependant que des femmes taciturnes allaient à pied, un bras crocheté jusqu’au coude à l’anse d’un grand panier. Le bruit incessant était si épais, désormais, si nouveau, si attrayant, les clartés et les ombres partout si appuyées que Tristan en oubliait sa tristesse. Parfois, un fidalgo 18 à cheval ou quelques guisarmiers immobiles lui remémoraient les raisons de sa venue, et quand il en apercevait une cohorte à l’ombre de quelques arbres ou d’un mur qui n’atténuait ni l’éclat de leurs chapels de fer ni les lueurs pointues de leurs armes d’hast, il se sentait la poitrine oppressée comme par le

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