Les fils de Bélial
de Galles s’est entouré ?
– À quoi bon ! fit Guesclin. Peu me chaut de les connaître.
– À moi si, fit Henri, mécontent. Parle !
Le chevaucheur eut un mouvement de gêne. Il ne les connaissait pas tous et de plus, il tombait de fatigue et de froid. Henri tapa du pied.
– Sire, j’ai vu des dizaines d’enseignes, bannières… Mes compagnons qui, parfois, ont guerroyé de France, m’ont cité des noms… Je veux bien essayer de vous les rapporter… Il y a, circonstant 209 le prince, les grands que je vous ai nommés… Il faut y ajouter les maréchaux d’Aquitaine : Guichard d’Angle et Etienne de… Cousentonne 210 qui portaient l’un et l’autre un penon de Saint-Georges. Puis Guillaume de Beauchar fils du comte de Warwick, Hugues de Hastings, le sire de Rais, qui sert Chandos à trente lances ; le sire d’Aubeterre, messire Garsiot du Châtel, messires Richard Canton, Robert Ceni, Robert Briquet, Jean Cresuel Aymery de Rochechouart…
« L’homme », songea Tristan, « qui aima l’épouse de mon beau-père… Qui l’aima si profondément que par déception, il devint routier. »
– Gaillard de la Motte, Guillaume de Clayton, Willebolz le Bouteiller et Pennenel…
– La Fleur des malandrins, résuma Guesclin. Moult d’entre eux qui nous ont quittés…
– Je ne sais, messire, dit le chevaucheur. D’autres noms me viennent : Louis d’Harcourt, vicomte de Châtellerault, le vicomte de Rochechouart, le sire de Port ; les sires de Parthenay, Poyanne, Tonnay-Bouton, Argenton… Tous les Poitevins, en somme. Thomas Felton, sénéchal d’Aquitaine, Guillaume, son frère Eustache d’Auberchicourt… les sénéchaux de Saintonge, de la Rochelle, du Quercy, du Limousin, d’Agenais, de Bigorre…
– Assez ! hurla Guesclin… Quels que soient ces prud’hommes, nous les vaincrons. Nous leur fournirons une leçon telle qu’ils s’en reviendront chez eux la queue basse… s’ils survivent, cela va de soi !
– Bien, dit Henri au chevaucheur. N’en dis pas davantage 211 , va te réchauffer sous mon pavillon…
Henri, satisfait, se frotta les mains :
– Le prince de Galles est un vaillant et preux chevalier ; et pour qu’il sente que c’est sur mon droit que je l’attends, je vais lui écrire une partie de mon entente.
Il regarda Guesclin, lequel eut un geste évasif. Il détestait, visiblement, des commençailles de cette espèce.
– Un clerc, dit le roi. Un clerc.
Frère Béranger fit un pas en avant :
– De quoi rédiger, sire, et je vous servirai.
Il y avait une écritoire dans le coffre royal. L’encre en était liquide, ce qui, par ce temps de gel, tenait du miracle. Assis sur une escabelle, frère Béranger, une longue plume d’oie entre le pouce, l’index et le majeur, déclara qu’il était prêt.
– Écris, dit le roi. À très-puissant et honoré le prince de Galles et d’Aquitaine… Cher sire, comme nous ayons entendu que vous et vos gens soyez passés par deçà les ports et que vous ayez fait accord et alliance à notre ennemi, et que vous nous voulez gr éver et guerroyer, dont nous avons grand’merveille, car oncques nous ne vous forfimes choses ni ne voudrions faire pour quoi ainsi à main armée, vous doiez venir sur nous pour nous tollir tant petit héritage que Dieu nous a donné ; mais vous avez la grâce et la fortune d’armes plus que nul prince aujourd’hui, pourquoi nous espérons que vous vous glorifiez en votre puissance pour ce que nous savons de vérité que vous nous quérez pour avoir bataille, veuillez nous laisser savoir par lequel lez vous entrerez en Castille et nous vous serons, au-devant pour défendre et garder notre seigneurie… Écrit le 28 février… Achevez, clerc, à votre gré 212 .
Frère Béranger parut ravi du voussoiement. Guesclin haussa ses puissantes épaules. Un héraut fut mandé jeune, efféminé, enveloppé dans des fourrures de loup et de mouton.
– José, va-t-en au plus droit que tu pourras par devers le prince de Galles et lui baille ces lettres de par moi…
Le parchemin, scellé, fut dans la main du jouvencel.
– Monseigneur, volontiers, je remettrai ces lettres… Le prince doit être encore en Navarre…
– Où qu’il soit ton devoir est de les lui remettre.
Tandis que le héraut s’éloignait, Tristan l’imagina agenouillé devant le prince Édouard tandis qu’un clerc d’Angleterre lisait le texte écrit par frère Béranger. Puis
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