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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Paindorge.
    Il fallut cheminer sous les voûtes, derrière Édouard et le géant vêtu simplement comme s’il tenait à ce qu’on le prit pour un loudier 368 . D’ailleurs, contrairement aux autres capitaines, il avait jugé le port d’une épée superflu. Des murmures s’exhalaient : les prisonniers se demandaient pourquoi ce Castelreng taciturne et son écuyer semblaient traités avec des égards incongrus alors que les soins que les Anglais dispensaient à Guesclin ne les mécontentaient pas.
    Calveley poussa l’unique porte du cloître et s’engagea dans une galerie. Au fond, il déverrouilla un huis étroit à petits panneaux de bois. Une pièce fraîchement chaulée apparut où brûlait un flambeau de poing. La stature du prince et celle du géant semblèrent l’emplir tout entière. Il y avait contre un mur, cloué sur une croix grandeur nature, un Christ de bois peint aux yeux injectés de sang. Un lit meublait un angle. Le prince en s’asseyant fit craquer les lattes sur lesquelles reposait un mince matelas.
    –  Messire Castelreng, à la table où j’ai pris mon dernier repas avec lui, le roi d’Espagne m’a demandé une grâce…
    Le prince rejeta ses bras en arrière afin de se maintenir aussi droit que sa pesanteur le lui permettait.
    –  Une grâce… Que je vous livre à lui comme otage au lieu de vous tenir à ma merci en attendant le moment de vous châtier… je ne sais encore comment.
    Tristan sentit dans son dos les premiers attouchements de l’angoisse. Mieux valait qu’il se tînt coi plutôt que d’essayer, pour le moment, d’assurer sa défense.
    –  Sire, commença Calveley. Il est…
    –  Taisez-vous, Hugh.
    Tristan sentit sur lui un regard désolé.
    –  Je me souviendrai toute ma vie, continua le prince, de la frayeur que j’ai eue à Cobham quand je fus en votre pouvoir. Mon épouse, elle aussi, en fut toute essanée 369 . Vous m’avez tué des hommes… Oh ! J’avoue que c’était une emprise 370 méritoire… Quelle audace, en vérité !… Mais vous avez échoué… Que vouliez-vous ? Pour qui vous preniez-vous ? Saint Michel ou Saint George ?
    La sonorité de la voix, la sécheresse de la pensée, l’outrance du mépris, tout désignait Édouard comme une espèce de justicier impatient de rendre un verdict suprême, mûri depuis longtemps dans son cerveau lucide et son cœur maladif.
    –  Sire, dit Tristan sans se soucier de Calveley dont les mimiques l’incitaient à la modération, le régent du royaume – à présent roi de France – avait conçu le dessein de vous faire enlever pour vous échanger, ensuite, contre son père, le roi Jean, otage en Angleterre.
    En fait, c’était une entreprise folle. Il fallait qu’elle fût née dans le cerveau maladif de Charles et dans aucun autre. Il n’y avait que les faibles, les pusillanimes pour imaginer un tel enlèvement ! Pour croire en sa réussite… Et justement : il avait failli réussir.
    –  J’ai fait mon devoir, monseigneur, dit Tristan cependant que de grosses gouttes tiédissaient son front et ses tempes.
    –  Un échange ! ricana Édouard. Belle idée en vérité.
    Ses yeux de jais brillaient, attentifs. Un sourire glissa sous sa moustache épaisse :
    –  Ce que je peux vous dire, moi, c’est que Jean eût réprouvé cet échange. Il se plaisait à Londres. Il y avait la vie belle. Tellement qu’après avoir séjourné en France pour trouver, en vain, l’argent de sa rançon, il revint avec moult plaisir sur la Grande île… où l’attendaient dames accortes et damoiseaux bien atournés…
    C’est pourquoi vous avez engagé votre vie pour rien. Et vous avez échoué pour rien !
    –  D’un cheveu ou d’un poil comme on dit… La réussite tient à peu de chose.
    –  Dieu était contre vous ! Saint George également !
    N’était-ce pas tout simplement la male chance ? Elle portait un nom : Cobham. Un nom qu’Ogier d’Argouges haïssait. Un nom honni pour lui, Tristan, son gendre, en raison de cet échec. Il n’avait vu ce châtelet que la nuit, aux lueurs pauvres d’une lune qui tardait à s’émanciper d’un fatras de nuages appesantis de pluie et de menaces. Les toits dominaient une enceinte apparemment insurmontable. Et pourtant, ses hommes et lui l’avaient franchie. Si menaçante qu’elle parût, la citadelle n’était qu’une chose inerte, massive et sans âme – comme Cobham mort depuis longtemps (530) . Il devait l’avoir vue, bien vue

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