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Les Fils de France

Les Fils de France

Titel: Les Fils de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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militaires, la police des gens de guerre, le contrôle des finances sur ce vaste domaine et quelques autres... Les maréchaux de France devenaient ses simples lieutenants ; tous les officiers royaux seraient désormais ses obligés ; sa puissance allait être immense et faire de Montmorency, en France, selon le surnom dont certains l’affublaient déjà : « le Tout-Puissant ».

    Parmi les joies innombrables de cette journée si belle pour lui, il en est une qui combla le connétable au plus profond de son cœur. Et c’est l’accolade que le dauphin, de lui-même, bravant et l’étiquette et sa propre timidité, vint lui donner avec chaleur à l’entrée de l’église.
    — Si je n’étais prince, dit Henri en le serrant dans ses bras, je vous envierais.
    — Mais vous devriez m’envier !
    Le dauphin demeura un instant interdit. Montmorency se fit plus précis.
    — Vous devriez m’envier car je reprends, dès demain, la route de Moncalieri...

Manoir du Plessis-lez-Tours.
    U n bon demi-siècle après la mort de Louis XI, la gentilhommière avait perdu les grilles et les défenses dont un roi vieillissant, inquiet, l’avait autrefois hérissée. Remaniée depuis pour l’agrément d’Anne de Bretagne, elle découvrait un abord riant ; et la jeune infante n’avait pas tardé à s’y plaire. La vie que l’on menait autour de sa petite personne était du reste bien réglée ; sous la houlette d’Aimée de Lafayette, la maisonnée s’adonnait aux joies du terroir : promenades et chevauchées, dévotions, fêtes champêtres et bonne table...
    Les cuisines de la demeure en étaient, avec les caves, le principal attrait. Dans ces pièces basses où la lumière, filtrée par de grands soupiraux, se reflétait sur une batterie infinie de cuivres briqués comme des armes, dans ce palais des fourneaux, des billots et des très lourdes tables, antre odorant et suave où rôtissait toujours quelque gibier, où des ragoûts appétissants n’en finissaient pas de mijoter sur des potagers pendant qu’on éminçait les herbes et les petits légumes, régnait non pas un chef, mais une cuisinière – à la fois bourrue, tyrannique et merveilleuse : Françoise.
    Gautier de Coisay, maintenant détaché au Plessis par la reine de Navarre, avait compris tout l’avantage qu’il pourrait tirer de relations confiantes avec l’ogresse. Et chaque soir ou presque, c’est ici qu’il venait s’installer, un long moment, pour causer, pour boire, pour goûter en passant de succulents chefs-d’œuvre...
    — Sieur Gautier, grondait Françoise, je m’en vas vous donner de ma movette 4 sur les doigts !
    — C’est trop bon, répondait le fautif en se brûlant plus ou moins, avec des mines d’enfant effronté.

    Un soir de grande pluie, en l’absence de Mme de Lafayette, il s’appliquait sans vergogne à saucer le fond d’un civet quand un valet descendit le chercher aux cuisines.
    — Monsieur, dit-il, il y a là-haut un visiteur qui se recommande de Sa Majesté le roi de Navarre.
    — Un visiteur... Il est seul ?
    — Oui. Espagnol.
    — Espagnol ! Et gentilhomme ?
    À la moue du valet, Gautier se sentit autorisé à bousculer un peu les formes.
    — Montre-le-nous, dit-il, que Françoise puisse juger sur pied, s’il faut nous le faire en rôt ou en bouilli...
    Le valet ne comprit pas ce qu’on lui demandait.
    — Ramène donc ton bonhomme, béjaune ! hurla Françoise qui, elle, se fit comprendre.
    L’intrus descendit donc. Une fois débarrassé de sa cape ruisselante, il fit plutôt forte impression ; il n’était plus jeune mais paraissait dans une forme admirable. Il se présenta comme le seigneur Juan Martinez d’Ezcurra.
    — Pardonnez-moi de vous recevoir aux fourneaux, bredouilla soudain Gautier.
    — Il est des endroits pires pour un voyageur affamé.
    Françoise lui fit sans peine accepter une jatte de son civet. Coisay se présentait enfin.
    — Je suis le chevalier de Coisay. J’ai longtemps servi, entre autres, le duc d’Alençon, et suis aujourd’hui écuyer ordinaire de l’infante. Mme de Lafayette, qui est en ce moment...
    — Je sais bien qui vous êtes, coupa Ezcurra, puisque c’est vous que je suis venu voir. Voici mes créances 5 .
    Tandis que Coisay, méfiant, déchiffrait la fine écriture d’Henri d’Albret, le visiteur vida son assiette – assez discrètement du reste.
    — Fameux ! approuva-t-il en se resservant sans manières.
    — Le roi de Navarre me dit que

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