Les Fils de France
part de confiance.
Elle-même, quoique inquiète, sans doute, ne pouvait s’empêcher de le trouver drôle – si drôle pour une fois...
— Henri, voulez-vous cesser cette provocation ! gronda-t-elle en se retenant de rire.
La situation lui échappait grandement. Lui, n’avait plus sur le corps que sa paire de bas – des bas blancs qu’il retira lentement, langoureusement, comme aurait pu le faire une fille de mauvaise vie.
— Henri, voyons !
L’adolescent marchait à présent vers elle, la mine épanouie et le sexe de même. La dame respirait fort ; elle était sur ses gardes, mais elle le laissa venir, la toucher, l’enlacer. Elle l’aida même un peu à la porter sur le lit, parmi les fleurs ; elle l’aida délibérément à la dénuder à son tour... Sa terreur devait être qu’on les surprît ; elle le lui dit ; il s’interrompit pour aller fermer, au verrou, les deux portes de la chambre. Alors, à sa stupéfaction, c’est elle qui l’appela, et de manière impérieuse encore.
— Viens ! demanda-t-elle. Viens vite !
— Diane...
Il l’appelait par son prénom pour la première fois.
Le jeune dauphin remonta sur le lit, saisit quelques fleurs et les passa sur le corps haletant de sa belle. Soulignant le galbe du ventre. Effleurant son sexe huilé, parfumé.
— Je voudrais, déclama-t-il gravement, avoir autant de mains qu’il y a de fleurs dans ce bouquet, autant de lèvres qu’il y a de pétales sur ces fleurs, pour vous couvrir de mes caresses, pour vous engloutir sous mes baisers.
— On dirait du Marot. Un Marot ivre...
Ils rirent. Elle n’attendait plus que son étreinte juvénile et forte, et avide... Comme si toute cette vie de soins, d’attentions, de privations, trouvait un sens, enfin, dans ce qui paraissait en nier le sens.
— Je m’offre à toi ! dit-elle au jeune prince en lui dévorant les lèvres, le cou, les épaules ; en lui labourant le dos de ses ongles.
— Ma Diane...
— Ô Henri !
Pour lui, ce matin-là fut un retour à la vie. Pour elle, comme une seconde naissance. Et puis – mais cela devait rester secondaire – comme une marche de plus vers le sommet.
1 - Voir La Régente noire .
2 - Environ onze mètres.
3 - Voir La Régente noire .
4 - Grande cuiller en bois.
5 - Ce sont ici des lettres de recommandation.
Chapitre V
Vive l’Empereur !
(Hiver 1539-1540)
Bayonne.
A près deux ans et demi de combats entre la France et l’Empire, une trêve de dix ans – voulue par le nouveau connétable et obtenue par lui à force de ténacité – avait été conclue à l’été 1538. Charles Quint et François I er s’en étaient mutuellement congratulés à Aigues-Mortes, chez Montmorency lui-même. Ainsi, quinze ans après le traité de Madrid, et sans accoucher vraiment de la paix, avait-on posé les bases d’ententes futures, peut-être même de mariages... En cet automne 1539, l’empereur devant se rendre au plus vite à Gand, dans les Flandres, pour y mater un soulèvement bourgeois, il s’était cru en assez bons termes avec le roi de France pour lui suggérer de traverser son territoire ; et ce dernier, bon prince, ne crut devoir le lui refuser. Mieux : François, qui n’avait rien oublié des anciennes humiliations castillanes 1 , sauta sur cette occasion d’impressionner, sinon Charles que rien ne pouvait éblouir, du moins les Grands d’Espagne entraînés à sa suite – foi de Gaulois, on leur en mettrait plein la vue !
Aussi bien par un matin venteux de novembre, le dauphin Henri et le connétable de France, entourés d’une escorte brillante de plusieurs dizaines de chevaliers cuirassés, casqués, emplumés – eux-mêmes flanqués d’une lourde suite – attendaient-ils l’empereur à Bayonne pour lui souhaiter la bienvenue. Côté espagnol, vingt-cinq gentilshommes à peine, tous en tenue de voyage, et une petite cinquantaine de cavaliers seulement encadraient leur auguste maître. D’ailleurs Charles, d’un naturel déjà sombre, se trouvait rembruni encore par le deuil tout récent de son épouse, la charmante Isabelle de Portugal – la seule personne qu’il eût jamais aimée... Victime de surcroît d’un gros rhume qui le forçait à conserver la bouche ouverte et – à ce qu’il se disait en sourdine – d’une crise d’hémorroïdes, le souverain Très Catholique voyageait en litière fermée, accompagné de moines qui, à mi-voix, débitaient des antiennes.
— Confìteor Deo
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