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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’un tremblement tandis qu’il s’adressait à ses fidèles :
    — Je vous avais bien dit qu’il reviendrait !… Or, non seulement le voici parmi nous, mais de vaillants compagnons l’ont suivi… Allons, entrez, amis !… Nous vous honorerons selon nos moyens…
    Tandis que son père se chargeait des présentations, Ogier rejoignit Aude enfin debout.
    — Pardonnez-moi, mon frère… En vous voyant étincelant comme saint Michel, le souffle et les jambes m’ont soudain manqué… C’est vrai que le bonheur assomme ! Me serais-je levée pour courir jusqu’à vous que j’aurais chu, je crois, avant de vous atteindre.
    Elle vacillait, blafarde et incrédule encore. Le noir seyait à ses contours harmonieux ourlés de lueurs d’or des épaules aux hanches. Et si ses yeux reflétaient toujours la tristesse, elle souriait, une perle au bord des cils.
    — Je n’ose à peine y croire… Vous voilà enfin !
    Voix exténuée qui semblait exhalée des profondeurs de l’âme.
    —  Te voilà , veux-tu dire ! Suis-je si rude qu’il te faille me dire vous ?
    Elle était dans ses bras, frissonnante. Il n’eût guère tremblé plus fort en étreignant une étrangère. Il ne sentait pas les petites mains blanches appuyées sur sa cuirasse mais il respirait la senteur des cheveux de cuivre roux dont quelques brins titillaient ses narines. Ils étaient seuls dans le bruit, le mouvement, les rires assourdis des autres ; seuls, enveloppés de deuil et de fatalité.
    — Tu lui ressembles si j’ai bonne mémoire.
    — Tais-toi, par pitié !… Elle avait tant changé…
    Ogier contempla ce front pur où s’effrangeait un peu de la tresse soyeuse, ce nez et ce menton parfaits, cette bouche délicieuse. Quel damoiseau eût pu s’éprendre de sa sœur dès lors qu’elle était, elle aussi, frappée de déchéance ? Ses traits étaient restés les mêmes que naguère. Le temps et les tourments les avaient affermis, ajoutant à leur beauté une douceur délicieuse.
    — Ah ! ma sœur, la fraîcheur de tes joues… J’en reprends !
    Sous ses lèvres, elles lui avaient semblé pareilles aux pétales d’une églantine, mais une fleur exsangue, trop longtemps privée de rosée, de clarté, de soleil. Aude pleura soudain à gros sanglots, le front contre l’épaulière de fer, comme une suppliciée peut-être qu’on délivre, et il ne sut quels mots et quels gestes employer pour la guérir de sa tristesse. Il fallait qu’elle fut heureuse. Il devait, puisque leur père en était incapable, lui rendre dès maintenant l’existence agréable – autant que faire se pouvait.
    — Allons, cesse tes pleurs ! Une nouvelle vie commence pour toi…
    Elle releva son visage, et tandis qu’une vague de confiance y repoussait le désespoir, elle rit – un rire délicat, presque celui de leur enfance quand, après l’avoir irrité, elle éprouvait un repentir et l’exprimait, au détriment des mots, par cette gaieté moelleuse, toute vibrante d’affection.
    — Depuis que je connais la vérité sur toi, j’ai prié chaque jour pour que tu nous reviennes… Mais je désespérais et ne t’attendais plus… Seul Père avait confiance… «  Quand il viendra, disait-il, c ’est moi seul qui lui ouvrirai. » Et c’est ce qui vient de se produire.
    Incapable d’en dire davantage, elle saisit Ogier par son gantelet :
    — Viens, nos gens sont heureux… Il faut que tu leur parles…
    Ils s’approchèrent de la table et le garçon craignit de ne pouvoir mettre un nom sur ces visages flétris par les ans, les privations et les chagrins. Dissemblables certes, ils l’étaient, et pourtant les épreuves leur avaient donné une expression commune : ces griffures au coin des yeux, ces rides incurvées joignant les ailes du nez aux commissures des lèvres et, chez les femmes, cette lippe d’amertume. Tout en eux révélait la fatigue, nullement la faiblesse ; le corps souffrait, l’esprit restait sain. Ils subissaient farouchement les malheurs des Argouges, pareils dans la persévérance et la fidélité à ceux de Rechignac qui avaient soutenu leur seigneur dans l’adversité, les uns par devoir de servage, les autres par dévouement à leur famille et à leur parcelle, d’autres encore par obligeance foncière. Il avait appris en leur compagnie que la vaillance était loin d’être l’apanage des seuls prud’hommes.
    — Toi tu es Jourden !
    — Oui, messire.
    — Tu n’as guère changé… Or

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