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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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affirma Thierry. C’est un preux.
    — En vérité, conclut Raymond, il nous a sauvé la vie. Il est de la lignée des plus grands chevaliers… et de vous-même, évidemment, messire !
    — Allons, allons, ménagez vos encens !… Le plus dur de ma vie reste à faire…
    Ogier sourit à Adelis, assise, elle aussi, près de la chaire seigneuriale, et adressa un clin d’œil d’encouragement à Raymond, entre Guillemette et Bertine : comme lui, il devait trouver à la soupe qu’il lampait un âcre goût de cresson et de rave. Négligeant par trop Bertrande, à sa droite, bien qu’elle fut assez jeune et jolie, Thierry contait à Aude, attentive, l’arrivée des Goddons autour de Rechignac. Il luttait, lui aussi, contre la lassitude. Ses paupières cillaient de sommeil, ses lèvres parfois tremblaient d’indécision – à moins qu’il ne fut troublé par l’intérêt que lui témoignait sa voisine.
    — Ah ! fit-il, voici que je confonds l’assaut du vendredi et celui du dimanche !
    — Eh bien, messire, vous saurez dès demain m’énarrer [118] ces batailles. J’y compte.
    Aude souriait. Aude recouvrait le goût de vivre ! Ogier, réjoui, se tourna vers son père :
    — Puisqu’on vous épie et menace, comment obtenez-vous votre nourriture ? Hormis quelques fleurs et six arbres, rien n’a jamais poussé en cette enceinte… Et puisque vous n’êtes ni clercs ni nonnes, comment faites-vous pour manger de la viande ?
    Godefroy d’Argouges fronça les sourcils tandis qu’une excitation singulière, presque convulsive, animait ses doigts maigres :
    — Pendant quatre ans, mes champs de froment, tout autour, ont brûlé juste avant la fauchaison… Les faire garder par mes hommes ? C’était les condamner… Nous avons donc appris à nous passer de pain. Mais Gerbold, avant-hier, nous en a porté trois miches comme il le fait de temps en temps. C’est la raison de celle que tu vois là.
    — Où trouve-t-il ce pain ?
    — À Coutances. En disant que c’est pour lui.
    — Par la male mort ou la faim, ils veulent vous voir disparaître !
    — Ils y parviendraient s’ils demeuraient présents. Heureusement, souvent ils s’éloignent… Mais, tiens : pour nous montrer qu’ils ne nous avaient pas oubliés, jeudi dernier, à la tombée du jour, ils ont passé notre ouche [119] aux fers de leurs chevaux. Jusqu’ici, jamais ils ne s’y étaient aventurés, car bien que de l’autre côté de la douve, elle est à portée de nos carreaux et sagettes, et nous la surveillons sans relâche… Nous avons atteint deux de ces malfaisants, parmi lesquels j’ai reconnu Eudes et Ramonnet… Tu vois, nous contrestons [120] … Gerbold nous pourvoit petitement en miel, poisson, farine qu’il faut aller quérir de nuit, à l’ermitage… Nous passons par le souterrain, dont par bonheur ces malfaisants ignorent l’existence et, bien sûr, le débouché.
    — Ainsi, dit Jourden, nous pouvons aller tendre des collets en forêt et revenir sans trop d’inquiétude.
    — Et nous rendre, toujours la nuit, chez Lecaudey, mon beau-frère, à Saint-Malo-de-la-Lande, ajouta Lesaunier. Le Grégoire est subtil. Il nous procure de la viande : bœuf et mouton.
    — Il n’y a pas de quoi festoyer, précisa Bertine, mais ça fait du bien par où ça passe !
    Frottant ce ventre qu’elle avait, de maintes façons, affamé, elle ajouta :
    — Faut dire que sans ce Grégoire, qui se met en péril…
    — Au prix que nous payons sa viande, il peut s’y mettre !
    Et, tournée vers Ogier, Aude révéla :
    — Nous acquittons cinq ou six fois plus d’écus que ne valent les pitances de ce cupide… Heureusement que nous avons des volailles, car depuis un an, il ne resterait rien du trésor de famille… et ce qui subsiste au fond du coffre me fait pitié… Tu vois, mon gentil frère, il était temps que tu reviennes.
    Ogier sourit. « Aude », songea-t-il, attendri et satisfait, « jamais ailleurs qu’ici je ne l’aurais reconnue. Elle a tellement changé ! » Après la beauté, il lui découvrait un orgueil farouche, comme aiguisé par l’adversité, les chagrins, la grisaille, et il se demanda si le fait qu’aucun époux ne partageât sa vie – surtout sa couche – n’avait pas aigri son caractère, autrefois naturellement enclin à la douceur. Il fut distrait de cette réflexion, car Isaure et Madeleine apportaient deux grands plats d’œufs durs posés sur une fromentée [121]  ;

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