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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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frémissants d’anxiété, dans leurs nippes de laine, de tiretaine ou de cariset, ils avaient conservé, l’espérance les y aidant, tenace, incorruptible, cette constance plus estimable encore que des hardiesses sans lendemain.
    Bertine, debout, l’observait, ses yeux noirs emplis d’étincelles, ses lèvres ouvertes en un sourire un peu moqueur ; par contraste, celui de Guillemette avait une expression de joie, de reconnaissance presque enfantine. Pour en finir avec un trouble désormais sans objet – il devait leur paraître aussi hardi que possible –, Ogier se tourna vers sa sœur et fut heureux de voir que, d’un clignement de paupières, elle approuvait ses propos tout en sachant combien ils s’entachaient d’incertitude.
    — Cessez de vous tribouler. Dès maintenant…
    Furieux d’avoir usé d’un ton de compassion trop sincère, il renonça à évoquer Blainville afin de ne pas gâter le plaisir de ces malheureux. Sa venue apportait l’illusion d’un mieux être à leur pénitence : ils semblaient s’engourdir dans une quiétude aussi fragile que le brouillard du dehors. Guillemette haletait et frissonnait toujours. Vierge ?… Combien de jeunes gars y avait-il ici ? Ces deux guetteurs, Courteille et Desfeux, que leur ventre devait démanger… Imprenable, Guillemette ?
    Par un instinctif besoin d’opposition, Ogier jeta un nouveau coup d’œil sur Bertine. Comme autrefois, elle semblait prête à tout.
    Alors, il s’avisa de ses compagnons indécis, immobiles. Caressant Titus qui, déchaperonné, jetait son petit regard vif sur l’assistance, Adelis, sourcils froncés, avait un air d’angoisse et de fatigue.
    — Aude… Comme je l’ai dit à Père, Adelis était chambrière de mes cousines… dont nous parlerons plus tard. Traite-la comme une parente.
    Certes, il attirait l’attention sur l’ancienne ribaude – surtout celle des femmes –, mais il éprouvait un besoin aigu d’être aimable, rassurant envers elle. Jamais peut-être autant que maintenant, il ne l’avait sentie aussi cruellement seule.
    — Donnez-moi Titus.
    Le rapace changea de poing et s’accommoda, pour perchoir, des doigts de fer du gantelet. Ogier le porta jusqu’à la chaire de son père. Une fois agriffé au dossier, le faucon s’ébroua et piocha du bec sa vervelle [117] et sa longe.
    — Quelle belle bête ! s’exclama Godefroy d’Argouges.
    — Eh oui, c’est un présent de Bressolles.
    — Ici, nous avons rarement de tels oiseaux, et c’est tant mieux, en ce qui me concerne, car ce serait souffrir, même pour un faucon, de manquer de grand air… Il est vrai que nous autres…
    — Allons, Père ! intervint Aude d’une voix changée, autoritaire. Cessez de vous apitoyer sur vous-même ! Revenez donc vous asseoir, et mangeons !
    La violence de ses émotions amortie, Ogier, aidé par Thierry, enleva son armure sous les regards intéressés de son père et des hommes. Cessant de flairer les dalles et les encoignures, Saladin vint s’asseoir près des pièces de fer, épié par Péronne allongée devant l’âtre.
    Bertine avait ouvert les tiroirs du dressoir ; elle en sortit des écuelles, des cuillers et des hanaps ; ensuite, elle interpella Barbet et Gosselin :
    — Allez donc quérir deux banquettes !
    Ils obéirent, et sitôt les sièges insérés dans les autres, on se poussa tout autour du plateau : il fallait que les « nouveaux » fussent à l’aise.
    Godefroy d’Argouges réintégra son siège. Au-dessus de lui, Titus battit des ailes, puis s’apaisa.
    — Que deviennent Guillaume et ses filles ?
    — Ils vont bien, répondit Ogier, différant ainsi la vérité sur sa discorde avec son oncle.
    — Et Hugues Blanquefort, sans lequel les Goddons m’auraient occis, à l’Écluse ?
    — Il est mat.
    — Mat !… Le pauvre… Et comment ?
    — Pour que les Anglais et les Gascons dessiègent Rechignac, Robert Knolles, leur maudit conduiseur, a exigé un combat de champions : trois contre trois… Hugues a voulu en être, pour son malheur : un gars de chez nous, Renaud d’Augignac, avait scié son épée… Blanquefort – qu’il dorme en paix – était un ancien huron au cœur noble !
    Ogier sentit sa gorge se nouer. Il souffrait chaque fois qu’il évoquait cet homme admirable. Percevant cette affliction, Bressolles se pencha :
    — Lors de ce siège, messire baron, votre fils a fait merveille.
    — Il a bien mérité ses éperons, messire,

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