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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Ogier marchait vers le logis seigneurial.
    — Pendant quelques semaines, mon fils, vos chevaux ne connaîtront pas la disette : le fourrage emplira leurs râteliers… Les uns armés veillant sur la sécurité des autres, nous avons engrangé lors de la fenaison.
    — Le sort, pour une fois, ne vous fut point contraire.
    — Certes, mais quelques semaines plus tôt, ils avaient arsé nos ablais [109] … Nous avons dû fuir devant eux… Gerbold, qui nous aidait à emplir le chariot, les a voués à l’exécration éternelle.
    — Vit-il toujours ?
    — Certes !… Il est très vieux mais droit et solide. À mon retour de la Broye et pour m’éviter toute espèce d’embûche, il m’a dissuadé de lui rendre visite. Il vient de temps en temps céans, dire la messe. Ramonnet l’a souvent menacé. Un jour, ses malandrins lui ont jeté des pierres… Il ne subit plus que leurs lobes [110] sachant bien que jamais ils n’oseront porter une arme contre lui : cet ermite est un saint, ils le savent, et si pervers qu’ils soient, ils craignent le divin courroux.
    — Vous vous méprenez, Père ! Cette pendaille ne redoute que la fureur du démon dont l’essentiel suppôt me semble être Blainville. Et puisque nous parlons de Dieu et du diable : que devient votre chapelain ? Isambert n’aimait guère Gerbold qu’il soupçonnait de se consacrer au grand œuvre.
    Godefroy d’Argouges s’arrêta le temps d’être rejoint par les compagnons de son fils :
    — Isambert a béni les restes d’Anquetil, de sa femme et de leur petit le lendemain de l’embrasement de la ferme. Ensuite, comme je trempais dans un seau d’eau mes mains brûlées par les ruines d’où nous venions de dégager ces malheureux, j’ai demandé au clerc de prendre le parchemin que j’avais serré dans ma ceinture. «  Mon père, lui ai-je dit, vous en donnerez lecture à vos ouailles puisque son auteur leur enjoint de partir sans tarder sous peine de mort. » J’ai vu notre tonsuré marcher en sens contraire de Gratot. Je lui ai crié : «  Mon père, où allez - vous ainsi ? » Alors, il a guerpi en soulevant sa bure comme une fille que l’on course !… C’était un couard ! Comment le regretterais-je ? Dieu, cependant, ne nous a point abandonnés puisque Gerbold nous est demeuré fidèle.
    — Demain, après-demain, je le visiterai. Ensuite, j’irai chevaucher sous les murs de Blainville… S’il paraît, je lui confirmerai mon retour… Et je le défierai à la moindre moleste [111] .
    Godefroy d’Argouges eut un douloureux sourire :
    — Même si tu lui jetais ton gantelet au visage, il refuserait, sans déchoir, de croiser le fer avec toi. Tu n’es rien puisque tu es mon sang. Et quelque notoires que soient, dans le pays d’où tu viens, tes qualités de chevalier, tu ne pourras les affirmer aux tournois et joutes du Cotentin : ils te seront interdits par tous les hérauts d’armes que Blainville a subjugués sans menace et sans difficulté. Il te reste la guerre. Là, tes lions diffamés seront ignorés, ou s’ils ne le sont, tu ne subiras point d’outrage puisque tu combattras dans l’ost, pour le roi ; toutefois, ce n’est pas un exploit qu’il te faudrait accomplir pour que soient reconnus tes mérites, mais dix ou vingt… Peut-être davantage !
    — Messire ! intervint Thierry, ne vous enfiévrez pas. Cessez de paroler de ces choses mauvaises.
    — Ce qui compte ce soir, dit Raymond, c’est que nous soyons présents.
    — Combien êtes-vous pour défendre cette enceinte ? demanda Bressolles.
    — Seize en tout.
    Les degrés du perron brillaient d’humidité.
    — Que de fois, Père, lorsque j’étais enfant, j’ai loué sur ces marches au soleil !
    Ogier s’interrompit. C’était sûrement là, au pied de ce contrefort, que sa mère s’était écrasée. À quoi bon imaginer cette horrible fin ! Il se détacha de son père. Thierry demanda :
    — Avez-vous chaque nuit, messire baron, des vegilles [112] en suffisance ?
    — Deux au nord, sur la muraille ; un autre dans la tour que voici, qu’ils appellent la Tour du Chevalier depuis que j’y ai mis mon lit.
    — Vous avez quitté votre chambre !
    — Depuis que ta mère…
    Sans plus d’explication, Godefroy d’Argouges continua :
    — Celui qui guette en haut, ce soir, c’est Asselin… Eh oui, le sergent qui ramena nos chevaux de Honfleur, après notre embarquement. Il a cinquante-cinq ans. S’il n’a pas

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