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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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perlée des tons bleus d’une barbe noire jamais assez rasée… Était-ce là, même abîmé par les années, le jeune séminariste dont les couventines s’étaient autrefois entichées ?
    — Je vais vous tuer immédiatement, dit Thomazeau en se tournant vers Guillaume. Et après, je prendrai plaisir à regarder mes hommes abuser de votre femme, comme l’a fait avant eux l’intendant général.
    Le visage de Guillaume se défit et il éprouva le besoin de s’appuyer au coin du bureau. Il n’osait pas regarder Delphine. Ce fut la jeune femme qui, voyant Thomazeau brandir l’arme en direction du procureur, se précipita contre lui.
    — Je vous aime, Guillaume. De toute mon âme !
    — Séparez-les, dit l’écrivain. Je ne veux pas prendre le risque d’abattre la fem…
    Il n’eut pas le temps de finir la phrase. Des mains énormes, d’une couleur caramel, l’attaquaient par-derrière et l’étranglaient avec un fil en acier. Rembard et son compagnon s’étaient retournés mais n’osaient pas bouger, comme hypnotisés par la scène. Un grand Noir tirait Thomazeau en arrière. Les yeux du fonctionnaire semblaient sortir de son visage ; ses mains cherchaient désespérément à desserrer l’étreinte et ses pieds pédalaient dans le vide.
    — Mustapha ! dit Guillaume en découvrant son compagnon de banc.
    Derrière lui, il reconnut encore le barberot, Louvet et le « tavernier » de La Renommée .
    Deux autres forçats, sur le seuil, enchaînés l’un à l’autre, balayaient les dalles en surveillant les extérieurs.
    Rembart et l’autre forçat s’étaient jetés à genoux et baissaient la tête. Thomazeau s’écroula sur le sol. Il était mort. Guillaume n’en revenait pas.
    — Vous avez tué l’Orfèvre ?
    — Non, dit le barberot. Nous avons tué un traître à l’Organisation sur l’ordre de l’Orfèvre. Thomazeau travaillait pour nous. C’était lui qui nous renseignait sur le passé et les compétences des nouveaux forçats.
    Delphine, encore sous le choc, pleurait en silence et Guillaume la prit dans ses bras. Son cerveau en ébullition cherchait à faire un lien entre tous les éléments en sa possession. Si Thomazeau, si « Jean Gallion », n’était pas celui qu’il recherchait, alors qui… ? Le barberot le devança.
    — L’Orfèvre vous expliquera. Il veut vous voir. Enfin, question de parler puisque, comme d’habitude, il vous rencontrera dans l’obscurité.
    Et tout d’un coup, la lumière se fit. Guillaume sourit au barberot.
    — Ton maître parle latin, n’est-ce pas ? Alors tu vas lui transmettre un message, un message que je vais t’écrire : Homerus dicitur caecus fuisse . Il comprendra.

CHAPITRE XVI
    1.
    Par le soupirail, Delphine apercevait l’une des cours de l’arsenal qui bordait le canal, encombrée de pyramides de boulets et de pièces d’artillerie. Des charrettes défilaient chargées de briques, de moellons, de tuiles et de poutres. Des convois de tombereaux évacuaient des déblais poussés par des forçats. Les hommes souffraient en silence sous le soleil, le dos rôti jusqu’à en avoir la peau craquante. Certains avaient gardé leurs bonnets rouges qui, sous le feu du ciel, semblaient saigner sur le crépi blanc des façades. Un peu de ce jour bouillant coulait par la meurtrière de la pièce et faisait flotter dans le rai unique de sa lumière la jointure de deux dalles sur le sol, le coin d’une caisse en bois, l’un des pieds de Guillaume assis sur un escabeau. Le barberot leur avait demandé d’attendre les ordres dans cette salle attenante à la corderie et leur avait laissé un gros pain de campagne et deux muids de vin.
    — Si vous pensez savoir qui est l’Orfèvre, demanda-t-elle, pourquoi n’avez-vous pas gardé cela pour vous et ne vous en êtes-vous pas servi auprès de M. de Montmor comme vous en aviez primitivement l’intention ?
    — C’est que la situation est toute différente, dit-il d’un ton joyeux en pêchant, du bout des doigts, des bestioles noires qui flottaient à la surface de sa timbale. Je sais désormais que l’assassin de Mme de Saintonges n’est pas l’Orfèvre mais l’un de ses lieutenants, ce Thomazeau, qui, sans doute, a attendu patiemment de monter en grade dans l’Organisation et d’y avoir suffisamment de crédit pour convaincre les meurtriers qu’ils agissaient sur l’ordre de l’Orfèvre.
    — Et qu’est-ce que cela change ?
    — Cela change que plus rien ne

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