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Les galères de l'orfêvre

Les galères de l'orfêvre

Titel: Les galères de l'orfêvre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Christophe Duchon-Doris
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qui… ?
    — Vas-y ! Fais-moi confiance.
    Guillaume frappa, puis ouvrit la porte.
    Delphine se leva d’un bond de son fauteuil et poussa un cri. C’en était un autre ! On lui envoyait un autre galérien ! On allait la livrer à toute la chiourme ! D’un mouvement dérisoire, elle brandit son peigne.
    — Delphine ? Est-ce vous… ?
    Il n’était pas moins surpris de la découvrir dans cet établissement, maquillée outrageusement, vêtue de la robe que la Turque lui avait prêtée, chargée de faux or et de satin douteux, rehaussée de dentelle triste et de sequins cousus.
    Elle porta la main à sa bouche, les yeux écarquillés. Cet homme à lunettes, barbu, aux joues creuses, au teint cuivré, ce galérien tout en muscles secs et tendus, était-ce bien Guillaume ?
    Il ôta ses gros foyers, enleva son bonnet qu’il chiffonna pour se donner une contenance. Et puis, très vite, d’un même mouvement, ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre.
    — Plus jamais ! dit-il, plus jamais nous ne nous séparerons ! Je vous en donne ma parole !
    Elle pleurait en l’embrassant, le repoussait pour mieux le voir puis s’accrochait à lui de toutes ses forces pour mieux le sentir, pour le retenir au cas où il partirait encore, pour ne pas tomber parce que ses jambes se dérobaient. Leurs corps, leurs mains, leurs bouches, chacune des parcelles de leur peau semblait se reconnaître et s’appeler, assoiffée, affamée de la chair de l’autre.
    — Guillaume, dit-elle en sanglotant, il faut que je vous dise…
    — Ne me dites rien. Je ne veux rien savoir.
    Il la souleva, la tint à bout de bras pour l’admirer. Il lui sourit, d’un sourire luisant et carnassier, le sourire du loup face à l’agneau de la fable. Il y avait dans son regard, où, relevé par le hâle doré du reste du visage, le bleu avait pris une intensité extraordinaire, une sorte de fureur claire, avec de grands passages de nuit, une promesse mêlée de tendresse et de saccage. Il la reposa mais ses mains ne parvenaient pas à la quitter. Delphine ferma les yeux et se laissa emporter par les doigts habiles qui tiraient les noeuds, défaisaient les cordons. La robe, avec des soupirs de satin froissé, glissa sur le tapis épais. Des paumes rugueuses écartèrent son corsage, flattèrent l’arrondi de sa poitrine lourde, glissèrent dans son dos, descendirent le long de ses reins et s’en vinrent soupeser ses fesses. Elle mit sa joue contre son épaule. Il sentait le bois mouillé et le coquillage. Du bout des lèvres, elle le baisa. Sa bouche courait sur sa peau salée et s’en vint au final s’arrêter sur le rond de son bras, là où le fer l’avait marqué des initiales d’infamie. Elle éclata de nouveau en sanglots. Il la souleva, la porta jusqu’au lit. Elle ne disait pas un mot, l’oeil perdu dans les larmes et le tenait plaqué contre elle. Ses reins se cambrèrent pour lui faire la place toute chaude.

    3.
    — Ah ! Guillaume, dit-elle bien plus tard en l’embrassant encore. Je nous ai crus perdus.
    — Nous ne sommes pas tirés d’affaire.
    — Ne sommes-nous pas ensemble ? Que vous importe le reste ? Fuyons et voilà tout !
    Il se redressa à demi sur le lit et lui sourit avec cet air de raillerie qu’elle détestait autant qu’il lui avait manqué.
    — La belle idée, madame ! Deux fugitifs, un forçat évadé, une voleuse ! Et toute la police du roi à nos trousses ! Le bel avenir que voilà !
    — Vous avez raison, monsieur. Restons ici, l’avenir y est plus radieux. Vous, gredin rançonnant pour l’Orfèvre et moi pensionnaire appréciée de Mme Fabre-Boyer !
    Des lueurs fauves tremblaient dans le gris de ses yeux et, sous la fureur, ses seins pointaient sous sa chemise, roulaient au rythme d’un doux balancement. Il l’admira. Mais d’un coup et malgré ses efforts, il songea à Montmor, à elle et lui dansant à travers les fenêtres de la maison du roi et le coup de poignard lui cisailla les entrailles.
    S’en aperçut-elle ? Elle se releva sur les coudes et l’embrassa de nouveau.
    — Pardonnez-moi, dit-elle. Je suis si heureuse de vous retrouver. Il la serra contre lui, la mâchoire serrée.
    — C’est moi qui suis un imbécile.
    Dans l’air moite et odorant de la pièce, trois bougies flambaient très haut, la flamme droite, immobile, en lame de poignard. Ils se turent un instant comme absorbés par leur contemplation. Des rires montaient du

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