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Les grandes dames de la Renaissance

Les grandes dames de la Renaissance

Titel: Les grandes dames de la Renaissance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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en demeura ébloui. Il la releva et lui commanda de suivre la Cour, l’assurant qu’il ferait punir les coupables aussitôt qu’il serait dans un lieu où il pourrait faire quelque séjour [12] . »
    Or, quelques jours après, une trêve ayant été signée avec le duc de Bourgogne, le roi retourna à Paris, emmenant la belle M me  de Gigon que l’on surnomma bientôt Gigone, et la combla de tant de cadeaux « qu’elle oublia la perte qu’elle avait faite ». Elle n’en fut pas ingrate et lui « témoigna sa reconnaissance aux dépens de son honneur [13]  ».
    Mais cette jolie personne ne demeura pas longtemps à la Cour. La passion qu’elle inspirait au roi fut d’ailleurs cause de son remplacement. En effet, c’est en voulant lui témoigner son amour qu’il rencontra celle qui devait être sa nouvelle maîtresse.
    Un jour, Louis XI fit faire, pour sa bien-aimée Gigone, une chaîne de pierreries, par un joaillier nommé Passefilon. Lorsque le bijou fut terminé, la femme du lapidaire vint le porter à la Cour. Le roi la rencontra par hasard dans un couloir et la trouva si belle « que l’amour qu’il avoit pour M me  de Gigon ne put défendre son cœur contre ces charmes ». Néanmoins, nous dit Sauval, « il ne voulut lui en rien témoigner en présence de sa maîtresse, mais il commanda à Landois, son trésorier, de la lui envoyer quand elle viendroit lui demander le paiement de la chaîne, disant qu’il en vouloit lui-même faire le marché : ce qu’il lui étoit ordinaire parce que, comme il étoit fort avare, il entroit dans le détail des moindres choses, pour empêcher que les officiers n’y profitassent.
    « La Passefilon le vint trouver dans son cabinet, et, comme il n’étoit pas fort galant, il lui dit sans chercher un grand détour que si elle vouloit répondre à sa passion, elle y gagneroit plus dans un an avec lui que dans toute sa vie à sa boutique. La marchande, qui aimoit l’argent et qui avoit vu la fortune de M me  de Gigon, se laissa aisément tenter, et le marché fut bientôt conclu [14] . »
    Le roi se montra extrêmement épris de cette femme dont certains chroniqueurs nous disent qu’elle avait longtemps « tenu le haut pavé de certaines rues mal famées de Lyon ». Le goût qu’il avait pour les « ribaudes » s’y trouvait sans doute satisfait.
    Mais la Passefilon, malgré ses origines, était une délicate que la rustrerie du roi choquait énormément. Et Sauval nous dit que, « lorsqu’elle se vit à son aise, elle chercha du ragoût dans ses plaisirs amoureux et voulut rendre son amant plus propre qu’il n’avoit accoutumé de l’être ». Un jour que le roi était venu lui rendre visite avec un habit fort simple et du linge fort sale, elle lui dit :
    — Lorsque j’ai donné mon cœur à un roi de France, j’ai cru trouver dans le commerce galant où j’allais m’embarquer tous les agréments que peut donner la magnificence de la plus belle Cour de l’Europe ; cependant, j’ai le chagrin, lorsque je veux suivre les emportements d’une tendre passion, de sentir la graisse où je devrais sentir le musc et l’ambre ; en vérité, si un garçon de ma boutique s’était présenté devant moi en l’état où je vous vois, je l’aurais chassé de ma présence. Que doivent dire les ministres étrangers qui vous voient si mal soutenir la majesté de votre rang ? Quelle raillerie n’ont pas faite les Espagnols à l’entrevue que vous avez eue avec le roi de Castille, sur votre chapeau tout blanc de vieillerie et sur la Notre-Dame de plomb qui tenait lieu d’un rare diamant ?
    Le roi demeura si étourdi de ce discours qu’il n’eut pas la force de l’interrompre, et, comme il était fort dissimulé, « il ne lui témoigna pas tout son chagrin » ; mais il songea à prendre une maîtresse plus indulgente.
    Néanmoins, il se souvint de la leçon et devint plus soigné.
     
    En plus de Gigone et de la Passefilon, Louis XI eut un nombre considérable de « belles amies ». Le nom de quelques-unes d’entre elles nous est parvenu. Citons : Catherine de Salemnite, Huguette du Jacquelin, de Dijon, la femme du sieur Jean Lebon, de Mantes, et cette Catherine de Vaucelle dont parle François Villon dans son Grand Testament.
    Toutes ces dames, je l’ai dit, étaient des compagnes fugitives avec lesquelles il aimait passer un moment après un bon repas ; mais aucune ne fut jamais maîtresse en titre, et encore moins

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