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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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pression, a donné Cordelier. Rien n’est jamais clair dans ces affaires. »
    Letel gardait longuement le whisky dans sa bouche.
    « … Vous croyez que l’arrestation de Moulin est claire ? » disait-il.
    Il accompagnait Gallway, ajoutait :
    « … J’ai tout fait pour dissuader Cordelier, tout, et puis… »
    La porte du bureau ouverte, il gardait la main de Gallway dans la sienne :
    « … N’écrivez encore rien sur Serge. Nous n’avons aucune preuve de sa mort, aucune. Ils l’ont peut-être déporté. »
    Sur les registres saisis avenue Foch, la Gestapo avait seulement noté le début de l’interrogatoire : 3 septembre 1943, Cordelier Serge, né le 1 er   janvier 1900.
    Cette date, comme la preuve de tout ce qui liait Gallway à Serge. Leur dernière rencontre boulevard Raspail, le 8 juin 1940, Sarah Berelovitz que Gallway avait réussi à convaincre de partir.
    « … Je ne peux pas laisser ma mère ici », répétait Sarah.
    Nathalia Berelovitz pleurait en s’asseyant dans la voiture aux côtés de Gallway, Catherine Jaspars derrière avec Sarah.
    Les routes de l’exode, la peur et la honte sur ces visages où la sueur se mêlait aux larmes. Les gendarmes qui, peu après Ambert, alors que les forêts du Massif central s’ouvraient comme un refuge, avaient arrêté la voiture : « papiers », « rangez-vous sur le côté ».
    Casqués, le fusil en bandoulière, ils ressemblaient trop à ces soldats bornés que tant de fois dans sa vie Gallway avait rencontrés. Il avait roulé lentement vers le bas-côté, paraissant vouloir exécuter l’ordre des gendarmes et tout à coup il avait accéléré, vers la forêt, Nathalia Berelovitz sanglotant « mais vous êtes fou, ils vont nous tuer ».
    Il ne s’était arrêté qu’au-delà de La Chaise-Dieu, dans l’âcre et tonique senteur des arbres serrés.
    Puis la descente vers le sud, vers le Mas Cordelier où ils avaient séjourné quelques semaines. Catherine Jaspars était retournée à Paris. Sarah refusait de quitter la France :
    « … Mon cher Allen, qui viendra me chercher ici, qui ? Que voulez-vous que nous fassions en Algérie ou au Portugal ma mère et moi ? Nous sommes tout à fait bien ici, j’aime cette maison, je m’y sens en sécurité, c’est comme si Serge m’entourait. »
    Septembre 1940, ils marchaient ensemble, Sarah et Allen, au milieu des oliviers gris, sur ces chemins de pierre qui courent à flanc de massif et d’où l’on aperçoit, au-delà du moutonnement des collines, la mer et les îles.
    « … Je vais partir, disait Gallway, mais je suis inquiet pour vous. »
    Il prenait le bras de Sarah, il essayait d’une pression de ses doigts de lui dire encore de quitter la France, de suivre le conseil de Serge.
    « … Au moins, ne restez pas au Mas Cordelier. S’ils s’en prennent à Serge, ajoutait-il, ils viendront le chercher ici. » Sarah l’embrassait sur la joue :
    « … Cher Allen, je vous adore, vous êtes le plus tendre le plus sensible des hommes que j’ai connus ; si je n’aimais pas Serge, je vous aimerais. – Elle riait. – Il ne m’arrivera rien, rien Allen, je veux vivre pour revoir Serge, je vivrai, je vous le jure. »
    Elle se baissait pour cueillir quelques genêts.
    Leur couleur jaune, comme le souvenir de ce temps-là.
    À son retour en France, en septembre 1944 – villages traversés depuis la Normandie, les voitures des correspondants de guerre doublant les colonnes de blindés et de camions, Richard Bowler assis dans la jeep près de Gallway, Bowler qui criait en agitant une lettre : « Tu sais ce que me dit Tina, qu’elle veut venir me rejoindre à Paris avec Jorge, qu’est-ce que tu en dis, plus de danger n’est-ce pas ? » Le passé qui s’ouvrait comme une fleur tardive. Serge, Sarah, Catherine Jaspars, et Tina toujours présente.
    Gallway retrouvait le boulevard Raspail, la guerre n’était dans l’atelier qu’une couche de poussière et l’odeur épaisse de moisi. Il s’installait à l’hôtel voisin, commençait à téléphoner, rendait visite à Letel, passait sans oser interroger la concierge quai de Béthune, devant l’appartement qu’avaient occupé Sarah et Serge, rue d’Assas là où avait habité Nathalia Berelovitz. À chaque pas, à chaque coup de sonnette, la peur de rencontrer la mort. Rue Médicis, Lucia Cordelier, la mère de Serge, prostrée dans un fauteuil placé devant la fenêtre, paraissait regarder les arbres

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