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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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sens que pour ces morts, Jim, père, mère. Les autres ? Même Tina, la plus proche, trop sage pour se fier à lui, le tenant à distance et lui, trop enfermé pour aller vers elle.
    Alors autant…
    Première tentative de suicide dans la vie de Gallway.
    Dans la véranda de la villa que Mackievicz, le premier mari de Tina, lui avait prêtée à Beverly Hills.
    Pelouse trop lisse. Décor. Vie nue. Vie morte.
    Mais de la villa voisine on avait vu le corps de Gallway, allongé sur les lattes dans la véranda. Appels, ambulance, téléphone, le brancard posé sur le gazon, Gallway qu’on forçait à vomir. Il avait passé quelques semaines à l’hôpital, l’estomac douloureux, la nuque raide, la langue couverte d’une épaisseur blanchâtre. Puis les premiers pas, ce sourire de tout le corps quand la porte s’ouvrait et que le soleil faisait cligner les yeux, une envie de pleurer, la douceur de l’infirmière, sa sollicitude : « Vous vous sentez mieux, n’est-ce pas, Monsieur ? »
    La honte, tout à coup, une rougeur intérieure, il les avait tous trahis, les hommes et les femmes de la tendresse, ceux dont la seule voie était les actes simples de la vie quotidienne, repasser une chemise, s’appuyer contre un mur au moment de la pause comme le faisaient les ouvrières de la blanchisserie Petersen, et mère, parmi elles, mère qui tendait à Gallway son déjeuner, une boule de viande hachée : « Mange maintenant, Allen, tu profites mieux. »
    Mort-trahison.
    Il était assis sur son lit, à quelques jours de sa sortie de l’hôpital quand Tina Deutcher était entrée. Il avait d’abord vu ses yeux, cette question qu’elle lui posait, son désarroi. Il haussait les épaules pour s’excuser. Elle restait devant lui, les doigts jouant avec le fermoir de son sac.
    — Mackievicz m’a téléphoné, disait-elle. Ou plutôt – elle hésitait – il a téléphoné à Richard, mais Richard est à Londres, j’ai…
    — J’étais un peu ivre, dit Allen, la côte Ouest ne me réussit pas, le passé…
    Il fit un geste pour indiquer que le flot l’avait recouvert.
    — Vous connaissez ce livre de Jack London ? reprenait-il. Martin Eden. Martin Eden nage vers le large, puis vers le fond, toujours plus profond. Je n’avais que de l’alcool, c’est tout, après j’ai voulu dormir.
    Tina avait fait un pas vers lui.
    — Vous rentrez à New York avec moi, Allen ; maintenant.
    Il s’était appuyé à son bras pour traverser le parc qui entourait l’hôpital. Il riait de la difficulté qu’il éprouvait à marcher.
    — Vous ne savez même plus marcher, Allen, disait Tina. Jorge, lui, sait mieux que vous.
    Jorge à l’hôtel, assis dans un fauteuil, une nurse lui lisant un conte. Il avait les deux mains posées sur les accoudoirs, et la nuque appuyée au dossier du fauteuil. Ses cheveux étaient bouclés, blonds. Il bondit, saisit Tina par sa jupe. Elle s’accroupit, l’embrassa, lui caressa les cheveux. Gallway ne lui connaissait pas cette douceur, ces gestes lents.
    — C’est Allen, disait-elle. Il va voyager avec nous. Il te racontera des histoires, il raconte des histoires, c’est son métier.
    La nurse était sortie.
    — Je voulais ça, dit Tina, tous les trois, quelques jours.
    Allen acheta une voiture et ils mirent près de trois semaines pour atteindre New York. À plusieurs reprises des bourrasques de neige les obligèrent à rester deux ou trois jours dans l’un de ces hôtels aux murs de bois que le vent semble pouvoir soulever. Jorge jouait dans le salon, Allen et Tina assis côte à côte demeuraient silencieux. À table Allen parlait avec une profusion joyeuse, et chaque éclat de rire de Jorge, ses étonnements, faisaient jaillir les mots. Allen se surprenait à inventer des fables. Il découvrait au détour d’une phrase le souvenir d’un livre prêté par le docteur Allenby. Il retrouvait son enfance.
    Tina posait sa main sur la sienne, puis elle se levait, prenait Jorge dans ses bras. « Sommeil Jorge, Jorge a sommeil », murmurait-elle. Allen les regardait monter. Il allumait un cigare.
    Mort. Vie. Si vite. Si vite de l’une à l’autre.
    Dans sa chambre, il écrivait quelques phrases dans son journal, se couchait, guettait le bruit des pas dans le couloir, mais il n’entendait jamais Tina. Elle le surprenait toujours au moment où elle ouvrait la porte. « Je vous dérange, Allen ? »
    Ils s’aimaient. Jamais Allen n’avait mieux compris que ces

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