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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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crevé de coups, voilà qu’il revient à Serge Cordelier qui se recroqueville, les deux mains sur son sexe et ses parties douloureuses. Il se redresse, son dos contre le mur, sent en posant ses mains sur le sol qu’il est humide. Son sang, son urine.
    Catherine s’était assise sur une marche, ses bras entourant ses genoux, le peignoir ramené sur ses jambes. « Ils vont être là, reprenait Cordelier, c’est une question de quelques jours, d’heures peut-être, tout a cédé, vous ne pouvez pas imaginer. Ils ont franchi la Somme, Gallway – Serge regardait Catherine puis Gallway – tout le monde l’ignore encore, cette nuit les panzers de Rommel ont atteint la Seine au sud de Rouen. »
    « … La Seine », répéta Gallway.
    Serge Cordelier s’appuyant des deux mains au bureau de Gallway.
    « … Foutu, Gallway, je ne vois rien de pire dans notre histoire depuis… – il avait haussé les épaules – les officiers ? Leurs bagages et leurs ordonnances, voilà ce qui les préoccupe, c’est tout Gallway, il n’y a plus de résistance organisée. »
    Cordelier s’était tout à coup tourné vers Catherine.
    « Mademoiselle Jaspars, votre père va être satisfait. Nous n’avons pas résisté. »
    Elle s’était levée :
    « … Les opinions de mon père lui appartiennent, avait-elle dit en montant les escaliers. Il pense que les Français ne veulent plus se battre, Monsieur Cordelier. Pourquoi êtes-vous ici ? Vous n’êtes pas sur le front, je m’étonne. »
    Elle avait claqué une porte…
    Peut-être pour cette phrase que plus tard, à Londres, Serge avait demandé à plusieurs reprises à être parachuté en France.
    « … Suicidaire Cordelier », répondait Louis Letel, responsable des missions et des liaisons avec la Résistance.
    Chaque semaine il recevait Cordelier dans un bureau qui faisait face à celui du général De Gaulle.
    « … Cordelier, disait-il, le Général désire que vous restiez près de lui, ici. À l’information vous êtes irremplaçable. »
    Letel était un ancien universitaire au visage volontaire, lèvres fines, front haut, mains déliées, longues. En quelques semaines, au début de l’année 1941, il avait organisé les services de renseignements de la France Libre. Serge Cordelier devinait à la vivacité de son regard, à la précision lente de ses gestes quand il cherchait une fiche, ouvrait un dossier, que Letel éprouvait à exercer sa fonction, une jouissance de conspirateur stendhalien. Il était âgé d’une quarantaine d’années et Cordelier l’avait croisé à l’époque du Front populaire dans ces comités d’intellectuels de gauche où se retrouvaient des professeurs et quelques hauts fonctionnaires.
    Parfois Letel posait une fiche sur son bureau, regardait Cordelier, disait d’une voix basse :
    « … La guerre, Cordelier, m’aura définitivement appris que le pouvoir n’est pas affaire de discours mais d’action et de commandement. »
    Letel souriait, appuyant sa nuque au dossier de son fauteuil.
    « … Précisément, commençait Serge, l’action… »
    « … Je sais, Cordelier, vous allez me redire que vous voulez être parachuté. J’y suis opposé, les Allemands vous connaissent trop – Letel fermait à demi les paupières – suicidaire Cordelier je le répète. »
    Puis un jour, De Gaulle convoquait Cordelier, Letel debout, déférent, écoutant la voix un peu gouailleuse du Général : « Je sais que vous voulez y aller, Cordelier, Letel y est opposé, mais la situation a changé depuis qu’ils ont pris Moulin… »
    Bientôt l’odeur de terre et de foin, la barrière sombre des arbres séparant la nuit claire et le balancement du parachute dans le silence retrouvé après le fracas de la carlingue et le hurlement «  GO, GOOD LUCK  » du copilote qui donnait à Serge une violente poussée dans le dos, cette descente lente vers la terre où vivait sans doute encore Sarah.
    Tout fait pourtant afin qu’elle quitte la France avant que les nazis ne l’occupent, ce dont Serge Cordelier était sûr dès le 8 juin 1940, quand il disait à Gallway, maintenant que Catherine Jaspars s’était enfermée dans la chambre du haut :
    « … Vous connaissez Sarah, n’est-ce pas ? Je pars pour Londres, pourrai-je rentrer avant que Paris ne capitule, je ne sais pas. »
    Il regardait longuement Gallway qui demeurait silencieux, une main sur ses lèvres, l’autre de temps à autre dans ses cheveux,

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