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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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il cherchait à les peigner du bout des doigts.
    « … Mais ils vont prendre Paris, une question d’heures, deux ou trois jours au plus, et je ne veux pas laisser Sarah ici. Vous savez qu’elle a travaillé pour les Russes ? Puis elle les a lâchés. Ils ont essayé de la tuer à Barcelone. Les Allemands n’ignorent rien de cela. »
    Cordelier s’interrompait, voulait parler des interrogatoires de la Gestapo, préférait ne pas dire car les mots parfois font naître le réel.
    « … Un guêpier, Gallway. Vous êtes américain, quittez Paris avec elle, tâchez de passer au Portugal, ou en Algérie. Sinon, Gallway, ils ne la rateront pas. Dès le premier jour ils la chercheront. Juive, antinazie, un gibier de choix pour eux. »
    Cordelier s’était laissé tomber sur le divan, Gallway s’asseyant près de lui.
    « … Je vais faire ça, Cordelier – Gallway lui entourait les épaules – aujourd’hui même. Je n’ai plus rien à écrire, les Allemands ne m’aiment pas, il faut que je parte aussi. Ils ne m’ont pas eu à Varsovie, je ne vais pas me laisser prendre à Paris… »
    Serge faisait une grimace pour marquer le regret qu’il avait à se lever.
    « … Il y a sa mère, ajoutait-il, Nathalia Berelovitz, elle va vouloir… »
    « … Ne vous inquiétez pas », répétait Gallway.
    Il avait raccompagné Serge, lui prenant le bras par le coude, et de l’autre main lui serrant la nuque dans un geste fraternel… dont Cordelier se souvenait encore, au mois d’août 1943, quatrième étage, 84, avenue Foch, siège central de la Gestapo à Paris, dans sa cellule au sol humide de sang et d’urine.
    Le résistant, un homme d’une trentaine d’années, vêtu d’un blouson de cuir, d’un pantalon de toile bleue et d’espadrilles, repoussait de son bras gauche la mitraillette pendue à son épaule, ouvrait la porte, se tournait vers le groupe des journalistes américains, Bowler, Gallway et son photographe Tom Griffith, Talmon du Stars and Stripes, le journal de l’armée.
    — Ici, commençait-il.
    Il s’effaçait, montrait de sa main droite la pièce, une chambre d’environ trois mètres sur trois dont le parquet était souillé de taches brunes et les murs nus griffés de rayures ou d’inscriptions tracées dans le plâtre. Bowler s’était penché, tentait de lire l’une d’elles, sortait son carnet pour la noter.
    — La Gestapo, continuait le résistant.
    Tom Griffith, d’un regard demanda à Gallway s’il devait prendre des clichés. Gallway eut un mouvement brusque de refus. Les mots, seulement les mots qui s’enfonceront dans le cœur et les yeux.
    — Au quatrième étage, reprenait le résistant, la Gestapo gardait ceux qu’elle voulait faire parler à tout prix – il montrait le couloir – il faut que vous décriviez ça, venez voir.
    Le résistant s’éloigna dans le couloir avec Bowler, Griffith et Talmon. Gallway, resté seul dans la pièce, marcha vers la fenêtre, l’ouvrit.
    En bas l’avenue Foch.
    Serge Cordelier, s’il s’était trouvé dans cette cellule, avait-il eu la tentation de sauter, comme tant d’autres qui avaient préféré le suicide au risque de l’aveu ? Gallway ferma la fenêtre. Qui saurait jamais si Serge avait pu ou voulu décider de sa mort ? Gallway avait seulement appris qu’il avait été arrêté, moins d’un mois après son parachutage dans le Jura, livré sans doute par un agent de la Gestapo infiltré dans les réseaux ou un résistant qui avait cédé à la torture.
    « … Répondre avec précision est impossible », expliquait Louis Letel à Gallway.
    Le chef des services de renseignements de la France Libre avait reçu Gallway dans un bureau sombre du ministère de la Guerre à Paris, quelques jours après la libération.
    « … Il a peut-être été raflé par hasard. On ne peut exclure aucune hypothèse. »
    Letel s’était levé, avait pris dans une armoire remplie de dossiers une bouteille de whisky et deux verres. Il versait lentement l’alcool, s’étonnant que Gallway ne lui fasse pas signe de s’arrêter, mais Allen Roy imaginait Serge accroupi dans la carlingue de ces bimoteurs noirs qui, comme des chauves-souris, frôlaient la cime des arbres, puis le copilote ouvrait la porte latérale, l’air s’engouffrait avec le fracas des moteurs et l’odeur de la terre montait.
    « … Ou bien, reprenait Letel en tendant le verre à Gallway, quelqu’un sur qui les Allemands avaient un moyen de

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