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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Allemagne, un hôpital. J’en savais assez. Je l’embrassais.
    « … Toi maman, raconte-moi, toi. »
    Je n’avais pas imaginé qu’elle se fût à ce point engagée dans l’action. Je connaissais peu de chose de l’histoire de l’avant-guerre. L’ URSS n’était pour moi que le pays qui avait écrasé les révolutionnaires hongrois. Je ne comprenais pas que des hommes comme David Wiesel, ce médecin de Varsovie qu’avait connu Sarah, que Sarah elle-même, aient donné ou risqué leur vie pour un système dont le symbole était ce tyran gris, Staline.
    « … Le nazisme, l’antisémitisme, expliquait Sarah, l’injustice. David me parlait de ces enfants pauvres… – Elle s’interrompait – Je ne regrette pas. Je suis heureuse de te parler. Je ne suis pas fière d’avoir été aveugle, mais je crois avoir été du côté où il fallait être, à ce moment-là. Quand je suis arrivée au camp avec ma mère, que j’ai retrouvé Élisabeth, que j’ai vu comment on nous traitait, je me suis reproché de ne pas avoir fait assez. Même si ce sont les Russes qui ont assassiné David, qui ont cherché à me tuer. »
    Nous montions ensemble l’escalier du mas en nous tenant par la taille. Je chuchotais :
    « … Je peux coucher avec toi ? »
    « … Tu seras très mal, répondait Sarah, je ronfle – elle ouvrait la porte de sa chambre – le corps des vieux sent mauvais. »
    Je me précipitais dans ma salle de bains, je revenais en pyjama, je me glissais dans son lit avant elle. J’étais toute petite. Nous éteignions. Nous fumions l’une près de l’autre. Je demandais :
    « … Que ferais-tu aujourd’hui si tu avais mon âge ? »
    « … Je ne sais pas », répondait-elle.
    Elle se taisait longuement.
    « … Les vieux, ils ne savent pas davantage, disait-elle enfin. Ils sont comme tout le monde. Ils se trompent ou bien ils ont raison. »
    Je n’ai même pas réfléchi avant de commencer à parler.
    — J’ai connu un garçon, ai-je dit sans émotion, il y a deux ans déjà, un peu plus. Maintenant il est parti.
    Silence.
    — Je l’ai su, disait Sarah. Trop d’après-midi chez Laurence.
    Nous riions ensemble. Je me pelotonnais contre elle qui me caressait.
    — Je croyais que…
    — Ton visage, disait-elle. Tu ne sais rien cacher.
    J’enfouissais ma tête dans sa poitrine.
    — Je te regardais rentrer le soir, reprenait Sarah. Ton menton rouge, l’air si heureuse, j’étais joyeuse pour toi. Je me disais, si elle a un enfant, tant mieux. Tu vois, je suis de très mauvais conseil. Folle, dirait Serge.
    Entre nous, la clarté.
    — Puis j’ai eu peur, continuait Sarah, tu es devenue triste. Je pensais que vous vous quittiez. Je voulais te parler. Mais on ne peut rien faire, rien dire. On apprend, on se débrouille toute seule.
    Tout en parlant elle me serrait contre elle.
    Nous étions deux.
    Un matin dans la bibliothèque, je l’ai trouvée assise face à la fenêtre. Je devais partir au lycée, un examen. Je l’ai sentie anxieuse.
    Le soir, à mon retour, deux valises étaient posées sur la première marche de l’escalier. Mietek est venu peu après nous chercher. Nous nous installions chez lui.
    « … Serge, m’expliquait-elle cependant que nous roulions sur la route qui longe le pré, Serge a démissionné ce matin du ministère, j’ai écouté sa déclaration… »
    Elle s’interrompait. Mietek jurait :
    — Ce salaud, disait-il, pas un mot pour te défendre, tout pour lui. Et il imagine que ça va l’aider.
    Il klaxonnait à la manière des partisans de l’Algérie française qui rythmaient leur slogan.
    — Une lâcheté, reprenait-il, ça ne sert jamais à rien.
    — S’il m’avait prévenue, murmurait Sarah.
    — Honte, hurlait Mietek. Il se cache de toi.
    Sa bastide était éclairée, portes et fenêtres ouvertes.
    — Vous n’êtes pas frileuses ? demandait Mietek.
    Il freinait, se tournait vers Sarah, lui caressait la joue.
    — Tu te souviens ? Lehaim, lehaim.
    Je ne savais pas que ce mot voulait dire « à la vie ».
    Lehaim. J’ai cru longtemps que ce mot était maléfique. La bastide de Mietek qui avait été durant toute mon enfance une île proche et étrangère, dont j’aimais le désordre et la vie – les portes claquaient, Mietek l’emplissait de sa voix – je la trouvais ouverte au vent, désolée. Le feu que nous allumions Sarah et moi dans la grande salle ne réchauffait pas le ciment nu.
    De la fenêtre

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