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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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décisifs dans ma vie – dans notre vie à Sarah et à moi – que je ne peux me tromper.
    Serge était venu au mas pour quelques jours. Je lui avais parlé avec violence de l’arrestation de Monod dont je le rendais responsable. Il était membre du Gouvernement, n’est-ce pas ?
    C’était le soir. Ils semblaient à nouveau Sarah et lui complices. Ils se tutoyaient. Ils évoquaient leur première rencontre. Je crois que j’étais jalouse, avec le sentiment d’être exclue de leur passé. Ou bien prenais-je conscience, à les voir se retrouver, de ces aller et retour dans les relations entre un homme et une femme, tout au long de leurs vies, comme si ce que je vivais avec Claude se jouait devant moi entre Serge et Sarah.
    Je m’étais emportée contre Serge et le lendemain matin, me souvenant de ce qu’il avait subi pendant la guerre, feuilletant à nouveau le livre où l’on parlait de lui, de son courage sous la torture, j’avais accepté qu’il m’accompagne au lycée dans sa voiture officielle.
    Je le quittais sur la place, avant les petites rues où la circulation est difficile.
    « … Pour Monod, disait-il, je vais voir le dossier. »
    J’étais joyeuse. Je n’avais plus rencontré Claude depuis plusieurs jours. Il voyageait, m’avait-il expliqué d’un ton grave. J’étais bien de ne pas avoir à l’attendre. Le mas, Sarah, les événements, tout redevenait présent, comme lorsque après un coup de vent, les reliefs se découpent sur le ciel. Je voyais à nouveau.
    Je descendais les rues en pente de la vieille ville, vers le lycée. Un pas derrière moi. Le cœur qui cogne tout à coup. Je me retournais. Claude.
    « … Viens, tu restes avec moi aujourd’hui, je t’explique. »
    Jusqu’à l’extrémité ténue de notre relation.
    Il avait une voiture. Je m’asseyais près de lui sans que nous ayons eu un geste pour nous toucher.
    « … Je voulais te voir, je m’en vais. »
    Italie, Suisse, ce soir ou demain matin. L’armée, l’Algérie, jamais.
    « … Ne dis rien à personne. »
    Une fin théâtrale et noble à nos amours.
    « … La frontière ? Tu pourras. »
    Il riait. Je sentais qu’il avait craint les larmes. Il était heureux que je m’égare dans les détails pratiques de sa désertion, de ses faux papiers. Il pouvait me regarder, parler.
    « … Les copains ont organisé mon départ, pas de problème. »
    Il baissait la voix, posait sa main sur mon genou.
    « … Mais je voulais passer la journée avec toi. »
    Il ne doutait pas de mon acceptation. Il avait retenu une chambre dans un hôtel du Haut-de-Cagnes. Il désirait – pour la première fois la tristesse me submergeait – me faire profiter de ses expériences.
    En si peu de mois un être change-t-il à ce point ?
    Je me taisais cependant qu’il tirait les rideaux, qu’il allumait la veilleuse à droite du lit.
    « … On n’a jamais eu de lit comme ça », disait-il.
    Un large espace où l’on se perd.
    Il me prenait par le cou, il m’allongeait.
    « … Attends-moi. »
    Il était fébrile, joyeux. Il se déshabillait en hâte, je le regardais de si loin. Il avait envie de moi et j’avais peur de son désir, comme si cette étreinte allait saccager tout ce que nous avions vécu.
    « … Tu ne te déshabilles pas ? »
    Il croyait que ma tristesse était due à son départ.
    « … Je reviendrai tu sais », murmurait-il en déboutonnant ma blouse.
    Je nous observais. Je me souvenais.
    « … Guide-moi », murmurait-il.
    Mais je craignais de toucher son sexe. Je ne pouvais qu’être passive, absente, ma seule manière d’être fidèle à nos étés révolus.
    Il me faisait l’amour avec violence, presque avec hargne comme pour me débusquer et en finir avec moi, avec nous. Je me mis à geindre, j’imitais ce que j’avais éprouvé, je haletais les yeux fermés. J’étais honteuse de ma mise en scène, mais je voulais qu’il cesse et je découvrais qu’on peut jouer le plaisir, feindre l’émotion, mentir avec tout son corps et Claude qui était en moi, au plus intime, qui aurait dû sentir que je mentais, se laissait prendre, berné et fat.
    J’étais désespérée d’avoir atteint mon but.
    Je ne pus m’empêcher de pleurer. Claude me berçait.
    « … J’ai pensé que tu aurais pu venir avec moi, mais trop de risques, tu es la belle-fille de Cordelier, tu es mineure, tu… »
    Il se méprenait. Je ne pleurais que sur la duplicité et l’aveuglement, sur le

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