Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
convertis restés dans leur
pays, n’avaient plus la même ardeur d’émigration. Gilbert n’aboutit
qu’à faire sortir de France en 1764, une poignée de nouveaux
émigrants qui allèrent rejoindre les réfugiés établis depuis
longtemps dans la Caroline.
On regrette d’autant plus vivement
l’avortement du projet de Duquesne ; quand on réfléchit au
rôle prépondérant que les réfugiés et leurs descendants ont joué
dans toutes les guerres que la France a eu à soutenir depuis la
révocation de l’édit de Nantes.
La petite armée de onze mille hommes avec
laquelle Guillaume d’Orange alla conquérir le trône d’Angleterre et
détrôner Jacques, l’allié de Louis XIV ; comptait trois
régiments d’infanterie et un escadron de cavalerie, composés
entièrement de réfugiés. En outre, sept cent trente six officiers,
formés à l’école de Turenne et de Luxembourg, étaient répartis dans
les divers régiments de l’armée de Guillaume, armée dont le
commandant en chef était le maréchal de Schomberg, et ou
l’artillerie était commandée par Goulon, un des meilleurs élèves de
Vauban. À la bataille de la Boyne, en 1688, le Maréchal de
Schomberg décida de la victoire en entraînant ses soldats par ces
paroles : « Allons, mes amis, rappelez votre courage et
vos ressentiments,
voilà vos persécuteurs ! »
Au
combat de Neuss, les grands mousquetaires, corps composé de
réfugiés ; attaquèrent les troupes françaises avec fureur.
Au siège de Bonn, les corps de réfugiés,
commandés pour l’assaut, sur leur demande expresse, se
précipitèrent avec un tel acharnement que tous les ouvrages
extérieurs furent emportés ; ce qui entraîna le lendemain la
reddition de la place. À la Marsaille, les réfugiés sont décimés,
Charles de Schomberg est tué ; comme son père l’avait été à la
Boyne, après avoir chèrement fait acheter la victoire à Catinat. À
Fleurus de Schomberg avait empêché Luxembourg de tirer parti de la
victoire.
Ruvigny, fait comte de Galloway, triomphe à
Agrim ; à Nerwinde il soutient presque seul, à la tête de son
régiment, l’effort de toute la Cavalerie française, et couvre, par
une résistance désespérée la retraite de l’armée anglaise. En 1706,
il entre à Madrid à la tête de l’armée anglaise victorieuse, et
fait proclamer Charles III, le prétendant autrichien opposé à
Philippe V. Il avait eu un bras emporté par un boulet au siège de
Badajoz, et il fut blessé d’un coup de sabre à la figure à la
bataille d’Almanza. C’est à cette bataille que le régiment de
réfugiés, commandé par le Cévenol Cavalier, se trouva en face d’un
régiment français qui avait pris part à la terrible guerre des
Cévennes.
Les deux régiments s’abordèrent à la
baïonnette et s’entr’égorgèrent avec une telle furie qu’il n’en
resta pas trois cents hommes.
Enfin partout, en Irlande, sur le Rhin, en
Italie et en Espagne ; les corps de réfugiés furent le plus
solide noyau des troupes opposées à l’armée de Louis XIV ;
partout ils versèrent leur sang pour leurs patries d’adoption.
De tous les États de l’Europe, c’est la Prusse
qui a le plus largement profité, pour le développement de sa
puissance militaire, de la double faute, qu’avait commise Louis
XIV, en obligeant ses sujets huguenots à quitter leur pays, et en
empêchant Duquesne de réunir tous les réfugiés à l’île Bourbon.
L’armée de Frédéric Guillaume, comptait les
grands mousquetaires, les grenadiers à cheval, les régiments de
Briquemault et de Varennes, et les cadets de Courmaud,
corps
exclusivement composé de réfugiés
. En 1715, c’est le réfugié
Jean de Bodt, major général, qui, ayant sous ses ordres de Trossel
et de Montargues, deux autres réfugiés, dirige les opérations
militaires sur les bords du Rhin, jusqu’aux traités de Radstadt et
de Bade ; sous Frédéric II, les fils des réfugiés prennent une
part glorieuse à la guerre de Sept Ans et les noms de neuf généraux
d’origine française
sont inscrits sur le socle de la
statue élevée dans la ville de Berlin à Frédéric le Grand.
Il est difficile de savoir quel est le nombre
des descendants de réfugiés qui ont fait partie de l’armée
d’invasion en 1870, car, après Iéna, un grand nombre d’entre ces
descendants avaient germanisé leurs noms de manière à les rendre
méconnaissables.
Bien avant cette époque, dit Weiss, beaucoup
de
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