Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
spontanément adoptée par le gouvernement ou
qui lui serait imposé par un traité conclu avec les puissances
protestantes.
Pendant plus de vingt ans, ils persistèrent à
espérer que ces puissances profiteraient de leurs succès militaires
pour obtenir de Louis XIV, par des négociations, le rétablissement
du culte protestant en France. Invoquant les précédents des traités
de Westphalie, de Munster et d’Osnabruck, à l’occasion desquels on
avait vu le roi de France défendre, contre la maison d’Autriche,
les intérêts des princes protestants de l’Allemagne, ils
demandaient que le roi Guillaume et ses alliés fissent une
condition de la paix du rappel des réfugiés et du rétablissement de
l’édit de Nantes en France.
Les plénipotentiaires protestants à Ryswick se
bornèrent à remettre à l’ambassadeur de France un mémoire lui
recommandant ces pauvres gens, afin qu’il leur fût procuré le
soulagement après lequel ils soupiraient depuis si longtemps. Louis
XIV, irrité de la faiblesse qu’avait montrée son ambassadeur en
prenant ce mémoire avec promesse de l’envoyer à la cour, fit
déclarer officiellement que ce mémoire n’avait pu lui être remis,
bien qu’il l’eût reçu.
Quoique Guillaume, en 1697 eût refusé de
risquer d’accrocher les négociations de paix pour un objet aussi
secondaire
que les réclamations des huguenots de France,
cependant, en 1713, les délégués des réfugiés insistent encore
vivement auprès des plénipotentiaires protestants pour qu’il soit
inséré dans le traité d’Utrecht une clause relative au rappel des
émigrés en France.
Mais depuis 1709, une partie des réfugiés
s’étaient fait naturaliser dans leurs pays d’adoption, dont ils
s’étaient considérés aussi longtemps comme des hôtes passagers,
et ; parmi les émigrés, il s’était formé un parti puissant
hostile au retour en France.
Quant aux puissances protestantes, nulle
d’entre elles ne désirait voir rentrer en France les émigrés qui
avaient versé leur sang sur tous les champs de bataille pour elles,
les avaient dotées d’industries florissantes et avaient su faire un
jardin de leurs terres incultes, même des sables de la Prusse et du
Holstein. Par bienséance, les ministres de la reine Anne
formulèrent une demande de rappel des réfugiés, mais ils ne
tentèrent pas de triompher des résistances obstinées de Louis XIV,
ils eussent comme les plénipotentiaires des autres puissances
protestantes, bien regretté de voir cette demande obtenir
satisfaction.
Les puissances protestantes savaient bien, en
effet, que c’était la persécution qui leur avait valu, outre tant
de bons marins et de valeureux soldats, le concours de nos
fabricants et de nos ouvriers, leur apportant nos secrets agricoles
et industriels ainsi que les capitaux nécessaires pour les
utiliser, ce qui leur avait permis de cesser d’être, comme par le
passé, les tributaires de la production française.
La signature du traité d’Utrecht avait fait
perdre définitivement aux réfugiés l’espoir d’obtenir leur rappel
en France par l’intervention des puissances protestantes ; ils
eurent cependant encore cette illusion à la mort de Louis XIV, de
croire que le régent allait spontanément renoncer à la politique
d’intolérance qui leur avait fermé si longtemps les portes de leur
patrie, mais ils furent ; bientôt cruellement détrompés :
Enfin, en 1724, l’édit remettant en vigueur toutes les ordonnances
édictées par Louis XIV, vint signifier un ordre éternel d’exil à
tous les émigrés qui s’obstinaient à espérer contre toute
espérance, tant le regret du pays natal leur tenait à cœur.
Quatre cents familles huguenotes établies dans
la Caroline, voyant qu’elles doivent perdre l’espoir de rentrer en
France, demandent qu’on leur accorde au moins la permission de
s’établir en Louisianne,
sur une terre française
, à la
seule condition que sur cette terre lointaine on leur accordera la
liberté de conscience. À cette patriotique requête, Pontchartrain
répond : « Que le roi n’avait pas chassé ses sujets
protestants de ses États d’Europe pour leur permettre de former une
république dans ses possessions d’Amérique »
N’est-ce pas chose touchante que la
persistance de l’amour de la France, chez ces réfugiés que la
persécution avait chassés de leur patrie et qui rêvaient toujours
de venir mourir sur une terre française ?
Le
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