Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
réfugiés ; ayant perdu tout espoir de retour dans leur
patrie, avaient traduit leurs noms français en allemand. Lacroix
était devenu
Kreutz
, Laforge
Schmidt
, Dupré
Wiese
, Sauvage
Wied
, etc.
Ce fait de la germanisation des noms rend donc
bien incomplète l’indication que peut donner le relevé des noms
français pour déterminer le nombre des descendants des réfugiés
dans l’armée d’invasion. Quoi qu’il en soit, sur l’état de l’armée
prussienne au 1 er août 1870, figurent, rien que pour
l’état-major, les généraux et les colonels, quatre-vingt-dix noms
dont l’origine française ne saurait faire aucun doute.
Voici ces noms :
Généraux (de toutes armes) : De Colomier,
de Berger, de Pape, de Gros, de Bories, de Montbary, de Malaise,
Mulzer, de la Roche, de Jarrys, de Gayl, de Memerty, de Busse, du
Trossel, de Colomb, Girod de Gaudy ; de Ruville.
Colonels et lieutenants-colonels
d’état-major : De Loucadou, Verdy du Vernois, de Verri, Faber
du Faur.
Chefs d’escadron d’état-major : Seyssel
d’Aix, d’Aweyde, de Parseval, Manche.
Capitaines d’état-major : Cardinal, de
Chappuis, Mantey, de Noville, Menges, D’Aussin, Baron de la
Roche.
Lieutenants d’état-major : De Collas, de
Palezieux, Menin Marc ; de Bosse, de Rabenau, baron Godin,
Surmont, de Nase, comte de Villers, de Baligand, Chelpin, de Roman,
Jarry de la Roche, de Lières.
Officier de marine : Le Tanneux de
Saint-Paul.
Colonels et lieutenants-colonels de
cavalerie : De Loë, Arent, de Busse, Rode.
Colonels et lieutenants-colonels
d’infanterie : De Barby, Laurin, Duplessis, Colomb, de Reg,
Conrady, de Bessel, Valeritini, de Montbé, de Berger, de Conta, de
Legat, de Busse.
Artillerie : De Mussinan, de Borries,
baron de Lepel, de Pillement, Blanc, de Malaisé, de Selle, Gaspard,
Gayl.
Génie, pontonniers : Bredan, Ney, Bredan
(lieutenant), Hutter, de Berge, Lille, Mache.
Si ces officiers et ces soldats huguenots que
la persécution avait chassés de France et qui mettaient leur furie
française au service des puissances étrangères ; ne s’étaient
pas sans cesse trouvés face à face avec ceux-là même qui les
avaient dépouillés et tourmentés, s’ils avaient eu une nouvelle
patrie toute française au-delà des mers, la violence de leurs
ressentiments se fût vite apaisée. Ils auraient promptement repris
ce cœur français, que Dieu et la naissance leur avaient donné, dit
Jurieu, et qu’on avait eu tant de peine à leur arracher.
L’émigration protestante eût d’ailleurs
apporté à la nouvelle France, non seulement les soldats aguerris
qui versaient leur sang sur tous les champs de bataille de
l’Europe, mais encore tous les éléments constitutifs d’un peuple
pouvant aspirer à de hautes et prospères destinées ; elle lui
eût donné, en effet, des savants, des diplomates, des ingénieurs,
des matelots, des commerçants, des manufacturiers, des ouvriers de
toutes les industries, des agriculteurs, des vignerons, des
horticulteurs, etc., enfin des capitaux considérables pour créer
son outillage industriel et agricole.
À quel avenir n’eût pu prétendre cette
république protestante française ; groupant tous ces éléments
de force et de richesse, qui se sont dispersés sur tant de points
du globe ?
Grâce à la double faute commise par Louis XIV,
de s’être refusé à rappeler les huguenots en France, et d’avoir
empêché la création d’une nouvelle France protestante à l’île
Bourbon, ce sont les puissances ennemies, ou rivales de notre pays
qui ont profité de l’émigration qui était un désastre pour la
France.
L’ambassadeur de France ayant demandé au roi
de Prusse, raconte Tissot, ce qui pourrait lui faire plaisir, le
roi lui répondit : « ce que votre maître peut me faire de
plus agréable,
c’est une seconde révocation de l’édit de
Nantes.
»
Les puissances protestantes eussent toutes pu
en dire autant, car voici ce que les réfugiés avaient, au dire de
Michelet, fait pour les pays qui leur avaient donné asile :
« Ils avaient fait un jardin des sables de la Prusse et du
Holstein, porté la culture en Islande, donné à la rude Suisse les
légumes, la vigne, l’horlogerie, enseigné à l’Europe les
assolements, le mystère de la fécondité. Aux bords de la Baltique
on les croyait sorciers, leur voyant pratiquer l’art innocent de
doubler, panacher les fleurs. Par Lyonnet et Bonnet, ils
continuaient Swammerdam, ouvraient
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