Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
de Félice, aurait fait honte à des
cannibales. Peine de mort contre les ministres rentrés en France,
contre les prédicants, contre tous ceux qui seraient surpris dans
une assemblée ; les galères perpétuelles pour quiconque
prêterait secours ou donnerait asile à un de ces ministres dont la
tête était mise à prix.
Le marquis de la Trousse donnait ces sauvages
instructions aux officiers chargés de surprendre et de dissiper les
assemblées de huguenots : « Lorsque l’on aura tant fait
que de parvenir au lieu de l’assemblée, il ne sera pas mal à propos
d’en écharper une partie
. »
Les ordres de Louvois ne sont pas moins
barbares :
« S’il arrive encore que l’on puisse
tomber sur de pareilles assemblées, l’on ordonne aux dragons
de
tuer
la plus grande partie des religionnaires qu’ils pourront
joindre sans épargner les femmes.
« Sa Majesté désire que vous donniez
ordre aux troupes… de ne faire que peu de prisonniers, mais d’en
mettre beaucoup sur le carreau, n’épargnant pas plus les femmes que
les hommes.
« Il convient que… l’on fasse main basse
sur eux, sans distinction d’âge ni de sexe, et que si, après en
avoir tué un grand nombre on prend quelques prisonniers, on fasse
faire diligemment leur procès. »
Le duc de Broglie, après avoir donné à l’armée
du Languedoc, les mêmes instructions de charger les assemblées qui
se tiendraient à la campagne, et de faire main basse dessus sans
aucune distinction de sexe, ajoute, en ce qui concerne les
assemblées particulières qui se tiennent dans les maisons :
« Si l’assemblée passe le nombre, de quinze personnes,
l’officier qui commande pourra la charger et en user avec la même
sévérité que si elle se faisait en campagne. »
« Jamais instructions ne furent mieux
observées, dit Élie Benoît ; on ne manquait pas de se rendre
aux lieux où on était averti qu’il se faisait des assemblées et,
quand on pouvait les surprendre, on ne manquait pas de tirer
dessus, quoique le plus souvent on les trouvât à genoux, attendant
le coup sans fuir, et n’ayant ni le moyen, ni l’intention de se
défendre. Il y en avait toujours quelque nombre de tués et encore,
un plus grand nombre de blessés, dont plusieurs allaient mourir
dans quelque haie ou quelque caverne. Les soldats battaient,
volaient, violaient impunément dans ces occasions… On a vu des
femmes assommées de coups sur la tête, d’autres à qui on avait
coupé le visage à coups de sabre, d’autres à qui l’on avait coupé
les doigts pour leur arracher les bagues qu’elles y portaient,
d’autres à qui on avait fait sortir les entrailles… »
Dans le Velai, en 1689, les soldats
surprennent une assemblée qu’ils massacrent. Un vieux prophète,
Marliaux, avait à ce prêche nocturne deux fils et trois filles dont
l’aînée, enceinte de huit mois, tenait par la main un petit enfant
qui avait aussi voulu aller prier Dieu au désert… vers minuit on
lui rapporta six cadavres, dont deux palpitaient encore, une fille
qui expira bientôt après et un petit garçon qui guérit
miraculeusement. Le prophète passa la nuit en prières, au milieu de
sa famille, au cercueil qu’il déposa furtivement le lendemain dans
une même tombe.
« Les petits enfants, dit Court, ne
trouvaient pas grâce devant les soldats ; ces monstres les
perçaient de leur baïonnette et, les agitant en l’air, s’écriaient
dans un transport de jovialité féroce : Eh ! Vois-tu se
tordre ces grenouillettes. »
En 1703, à la porte de Nîmes, cent cinquante
protestants se réunissent dans un moulin pour célébrer leur culte
le jour des Rameaux. L’assemblée se composait en majeure partie de
vieillards, de femmes et d’enfants ; le chant des psaumes
trahit sa présence dans le moulin. – Le maréchal de Montrevel,
averti à deux heures de l’après-midi, se lève de table et accourt
avec des troupes qui investissent le moulin. Les soldats
s’acquittant trop mollement au gré de Montrevel de leur œuvre de
sang, il fait fermer les portes du bâtiment et y fait mettre le
feu.
« Quels cris confus, dit Court, quel
spectacle ! quels affreux spectres s’offrent à la vue !
Des gens couverts de blessures, noircis de fumée et à demi brûlés
par les flammes, qui tâchent d’échapper à la fournaise qui les
consume ; mais ils n’ont pas plutôt paru qu’un dragon
impitoyable, qui fait dans cette occasion, par ordre et sous les
yeux
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