Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
d’un maréchal de France, l’office de bourreau, les repousse
avec le fer dont il est armé. » Tous périrent. Une jeune fille
de seize ans qui avait été sauvée par un laquais de Montrevel, fut
pendue par ordre du maréchal, qui, sans l’intercession des sœurs de
la Miséricorde, eût aussi fait pendre ce laquais trop pitoyable.
L’évêque de Nîmes, Fléchier, ne trouve pas un mot de blâme pour
cette terrible hécatombe humaine, laquelle était, dit-il, la
réparation du scandale
occasionné par le chant des psaumes
tandis qu’on était à vêpres.
Près d’Aix, en 1686, les soldats cernent une
assemblée, font une décharge concentrique, puis frappent sans pitié
d’estoc et de taille ; six cents cadavres restent sur place,
on fait trois cents prisonnières et les soldats s’amusent à leur
larder le sein et les cuisses à coups de baïonnettes. Dans une
autre assemblée, en 1689, trois cents personnes furent massacrées,
et l’on compte plus de trois cents assemblées surprises et
dispersées par les troupes ou par les communautés catholiques. On
sait à peu près le nombre des victimes
légalement
frappées, en vertu d’une condamnation ; on a les noms,
d’environ quinze cents protestants envoyés aux galères, d’une
centaine de ministres ou prédicants pendus, roués ou brûlés vifs.
Mais qui pourrait dire le chiffre des malheureux tombés sur le lieu
où ils s’étaient réunis pour prier, pendus sur place sans forme ni
figure de procès, tués en route comme
embarrassant
la
marche des soldats qui les emmenaient, ou succombant au fond d’un
obscur cachot après des années de cruelle captivité ?
Pendant plus de soixante années les sauvages
instructions données pour la dispersion des assemblées furent
strictement exécutées.
Le baron de Breteuil, ministre de Louis XVI,
rappelle dans son mémoire au roi, qu’au milieu du XVIII e siècle, des troupes étaient encore envoyées dans les bois pour
disperser
par le fer et le feu
ces multitudes de
vieillards, de femmes et d’enfants, de gens sans armes qui
s’assemblaient pour prier Dieu. « J’ai vu, dit-il, ces propres
mots dans les instructions que donnait aux troupes le commandant
d’une grande province,
connu pour son extrême
indulgence
: Il sera bon que vous ordonniez, dans vos
instructions particulières aux officiers qui doivent marcher, de
tirer le plus tard qu’ils pourront sur ceux qui ne se défendront
pas. »
En 1754, le duc de Richelieu publie encore un
ban pour la dispersion des assemblées dans lequel il est ordonné
« de tirer sur les assemblées, lorsque l’officier commandant
chaque corps ou détachement
jugera à propos d’en donner
l’ordre
».
Il arrivait souvent que les officiers auxquels
était laissé ce terrible pouvoir discrétionnaire ; faisaient
tirer sur les assemblées qu’ils surprenaient en prières. D’autres,
au contraire, faisaient tirer en l’air, mais laissaient leurs
soldats dépouiller les protestants, les maltraiter, insulter les
femmes, et même les violer, leur faire l’amour
à la
dragonne
, suivant une expression du temps.
Lettre de Court, 1745 : « Les
dragons entreprirent de faire l’amour à la dragonne à une jeune
fille ; des paysans qui travaillaient à leurs vignes accourent
aux cris désespérés de la jeune fille et la délivrent. »
Voici, en effet, ce que raconte Court à
l’occasion d’une assemblée surprise par les soldats dans le
Dauphiné en 1749 et saluée d’une décharge inoffensive de coups de
fusils : « Si les coups de fusils portèrent à faux,
l’avidité des dragons ne le fit pas ; ils enlevèrent aux
femmes et aux filles leurs bagues, les cœurs d’or qu’elles portent
en pendants à leur cou, et leurs habits, et leurs coiffures, et
tout l’argent qu’ils trouvèrent sur elles, de même que celui des
hommes. »
À cette occasion, Court rappelle ce qui
s’était passé quelques mois plus tôt dans le diocèse d’Uzès à une
assemblée surprise par les dragons : « Plusieurs femmes
ou filles furent insultées, presque au point d’être violées. On
leur arracha les bagues des doigts, les crochets d’argent de leur
ceinture, les colliers de perles qu’elles portaient à leur cou, et
tout ce qu’elles avaient d’argent monnayé. »
Dans les années qui suivirent la publication
de l’édit de révocation, on envoyait impitoyablement à la potence,
tous les prisonniers qu’on avait faits aux assemblées ; il
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