Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
spectacle lamentable auquel il a
assisté, mais au lieu de l’ordre de mise en liberté des quatorze
prisonnières qu’il avait sollicité, il ne reçoit de Versailles que
la permission de délivrer trois ou quatre de ces malheureuses. De
son propre mouvement il les fait cependant mettre toutes en
liberté, et explique ainsi au ministre ce coup d’autorité.
« La justice et l’humanité parlaient
également
pour
ces infortunées, je ne me suis pas permis de
choisir
entre
elles, et, après leur sortie de la tour, je l’ai fait fermer, dans
l’espoir qu’elle ne s’ouvrirait plus pour une semblable
cause. »
Le secrétaire d’État, la Vrillière, lui fit de
vifs reproches et lui enjoignit même de revenir sur la mesure qu’il
avait prise, faute de quoi il ne répondait pas de la conservation
de sa place. M. de Beauvau répondit fièrement :
« Le roi est maître de m’ôter la place qu’il m’a confiée, mais
non de m’empêcher d’en remplir les devoirs selon ma conscience et
mon honneur. »
Les quatorze prisonnières qu’il avait
délivrées restèrent en liberté et il conserva son gouvernement du
Languedoc, mais ce n’est qu’en 1769 que la prison de la tour de
Constance fut définitivement fermée.
Pour assurer l’exécution de l’édit de
révocation, interdisant l’exercice public du culte protestant, on
ne s’était pas borné à édicter contre ceux qui se rendaient aux
assemblées, ces terribles peines des galères pour les hommes, de
l’emprisonnement perpétuel pour les femmes.
On avait eu recours à tous les moyens pour
empêcher que les assemblées pussent avoir lieu, de manière à ce
qu’il fût impossible aux protestants de se réunir, pour prier Dieu
à leur manière, soit dans les maisons, soit
sous la couverture
du ciel
.
On avait obligé les nouveaux convertis de
chaque communauté à prendre des délibérations par lesquelles ils
s’érigeaient en inspecteurs les uns des autres, et s’engageaient à
empêcher que les édits ne fussent violés. Ainsi, dans une
délibération des habitants de Saint-Jean-de-Gardonnenque, en date
du 17 novembre 1686, on lit : « Tous lesdits habitants,
ci-dessus dénommés, s’obligent à mettre des
espions
à
toutes les avenues de la paroisse pour éviter et empêcher les
assemblées de quelques fugitifs. »
Si les nouveaux convertis ne tenaient pas leur
promesse et n’avertissaient point les autorités, les soldats
prévenus par quelques-uns des faux frères que l’on entretenait
partout à grands frais, ou par un catholique, arrivaient dans les
localités près desquelles devait se tenir une assemblée, et, se
faisant accompagner par le curé, procédaient à des visites
domiciliaires. Tout absent était réputé coupable d’avoir assisté à
l’assemblée s’il ne pouvait justifier d’un motif légitime
d’absence.
On avait pensé, sur l’avis conforme de
Bâville, que
le moyen le plus efficace
pour empêcher les
assemblées, était de rendre responsables les communautés sur le
territoire desquelles elles se seraient tenues, et de condamner à
des amendes solidaires tous les habitants.
En 1712, deux arrondissements dans lesquels
s’étaient tenues deux assemblées, surprises par les soldats,
étaient condamnés, l’un à 1500 l’autre à 3 000 livres d’amende.
En 1754, l’intendant Saint-Priest condamne
encore à mille livres d’amende les habitants nouveaux convertis de
l’arrondissement de Revel, dans le taillable duquel était situé le
bois où une assemblée s’était tenue. À la même époque, les
habitants de Clairac, Tonneins et Nérac, déclarent dans une
supplique, que les amendes arbitraires qu’on leur inflige, à raison
d’assemblées tenues sur leurs territoires, les épuisent, et
les
mettent hors d’état de payer leurs impositions ordinaires.
Peu à peu les communautés en vinrent,
cependant, à considérer les amendes qu’on leur infligeait pour
avoir souffert des assemblées sur leurs territoires, comme une
sorte d’abonnement à payer, pour avoir la faculté de célébrer leur
culte au désert, en violation des édits.
Pour prévenir la réunion des assemblées, la
constante préoccupation du Gouvernement était d’empêcher, par tous
les moyens, que les huguenots pussent trouver des ministres, ou des
prédicants faisant fonctions de ministres pour exercer leur culte
au désert.
Une ordonnance du 1 er juillet 1686,
édicte la peine de mort, contre tout ministre rentré
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