Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
et
vénérée, et repoussons ses ennemis ! »
Le spectacle de cette lutte de quelques
milliers de montagnards contre les armées de Louis XIV, commandées
par ses meilleurs officiers, le fait inouï d’un maréchal de France
traitant d’égal à égal, au nom du roi-soleil, avec Cavalier, un
ancien pâtre, avaient stupéfié l’Europe et rehaussé le courage des
huguenots qui s’étaient laissé arracher une conversion.
Les internements de populations entières, les
transportations en Amérique, les tueries militaires, le supplice de
douze mille Cévenols envoyés par Bâville aux galères, au gibet, à
la roue, aux bûchers, l’incendie de cinq cents villages, la
réduction en désert de quarante à cinquante lieues de pays, désert
dans lequel avaient péri, cent mille personnes : tels avaient
été les terribles moyens employés pour arriver à faire régner dans
les Cévennes la paix des tombeaux. Le souvenir de cette
insurrection des Cévennes laissa au moins aux convertisseurs la
crainte salutaire et persistante, de voir les huguenots des autres
provinces imiter l’exemple des rebelles. Non seulement sous Louis
XIV, mais pendant la régence, et sous Louis XV, on voit souvent, en
effet, les intendants conseiller de modérer la persécution, en
rappelant l’insurrection des Cévennes, pour faire comprendre au
Gouvernement qu’il pourrait être dangereux de pousser les huguenots
à bout.
Pour en revenir à l’histoire de la campagne
poursuivie pour finir le calvinisme, par la suppression des temples
et l’interdiction des ministres, nous dirons qu’elle continua plus
ardente que jamais par toute la France, après l’exécution militaire
du Vivarrais et du Dauphiné. Puis après la première dragonnade du
Poitou en 1681-1682, vinrent la grande dragonnade de 1685,
commencée par l’armée réunie sur les frontières de l’Espagne, et
enfin l’édit de révocation, interdisant l’exercice du culte
protestant, supprimant tous les temples et bannissant tous les
ministres hors du royaume.
Les opiniâtres que n’avait pu convaincre
l’Apostolat du sabre
étaient renfermés dans les prisons,
dans les châteaux forts, dans les hôpitaux ; dans les couvents
où ils avaient à subir de nouvelles persécutions, ou bien, ils
erraient de lieu en lieu, cherchant à sortir du royaume. S’ils
réussissaient, c’étaient les douleurs de l’exil et les dures
épreuves de la misère à l’étranger ; s’ils échouaient,
c’était, pour les femmes, la détention perpétuelle dans les prisons
ou les couvents ; pour les hommes, le cruel supplice des
galères ; pour tous, en outre, la confiscation des biens.
Quand à la grande masse des protestants, des
nouveaux convertis, ainsi qu’on les appelait depuis qu’on leur
avait arraché une abjuration, ils semblaient, sinon résignés à leur
sort, du moins incapables de retrouver l’énergie nécessaire pour
revenir sur le fait accompli.
Le clergé et le roi crurent un instant avoir
cause gagnée et firent frapper de menteuses médailles en l’honneur
de l’extinction de l’hérésie. Mais les huguenots avaient l’horreur
du culte catholique qu’on voulait les contraindre à pratiquer, ils
restaient attachés à la foi qu’on les avait obligés de renier des
lèvres, et ils reprenaient peu à peu en secret l’exercice du culte
proscrit.
Dans les provinces, comme la Bretagne ou la
Normandie, où les huguenots étaient dispersés par petits groupes,
au milieu de nombreuses populations catholiques, c’étaient des
gentilshommes, des négociants, des artisans, des femmes, qui
s’attachaient par des lectures, par des conférences ou entretiens,
à maintenir leurs co-religionnaires dans leurs anciennes
croyances.
Dans le Poitou ; dans la Saintonge et
dans les provinces du Midi, où les huguenots étaient très nombreux
et plus ardents, ils ne se résignèrent pas à se borner au culte
domestique et se mirent à faire des assemblées qui devinrent peu à
peu de plus en plus nombreuses. Ces assemblées se tenaient, parfois
dans une maison isolée, mais le plus souvent dans les bois ou les
cavernes, on y faisait des prières, on y chantait des psaumes et, à
défaut de ministre, un homme, un adolescent, une femme, faisait une
lecture ou haranguait les fidèles. Quand le roi et le clergé
apprirent la reprise du culte qu’ils croyaient avoir anéanti, ils
furent pris d’une colère frénétique ; ils firent publier un
édit qui, ainsi que le dit
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