Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
sacrements, parce
qu’ils n’avaient pas appelé de médecins. Mais il dut s’arrêter dans
cette voie où ne l’auraient pas suivi les magistrats les plus
complaisants. Pour trancher la difficulté, Geudre, intendant de
Montauban, proposait à la Vrillère de faire rendre un édit, en
vertu duquel serait censé mort dans la religion réformée, et par
conséquent passible de la confiscation des biens, tout nouveau
converti qui, dans sa dernière maladie, n’aurait pas fait une
déclaration expresse de sa foi catholique, devant les notaires ou
les juges des lieux.
Le procureur du roi à Nantes, voulait même
faire le procès à la mémoire d’un nouveau converti, lequel après
avoir fort bien soupé était mort, … sans doute d’indigestion.
« Il n’a pas, disait ce procureur du roi,
déclaré vouloir mourir dans la religion réformée,
mais l’on n’a
pas de marques qu’il soit mort dans les véritables sentiments
catholiques…
Si l’on peut découvrir des marques plus
convaincantes, on fera le procès à sa mémoire et,
même sur les
preuves que je vous marque
,
si vous le jugez à
propos
. »
Un homme qui meurt subitement, après avoir
fort bien soupé, considéré comme relaps parce qu’il n’a pas, en
mourant, donné des marques suffisantes de ses sentiments
catholiques, cela ne passe-t-il pas les dernières limites de
l’odieux et de l’absurde ?
Les malades qui n’avaient pu se soustraire à
la visite du curé, recouraient à tous les subterfuges et à toutes
les équivoques pour éviter, à eux-mêmes, un traitement infamant, et
à leurs héritiers la confiscation des biens.
Il y en a, dit l’intendant Gendre, qui font
les muets, plusieurs qui affectent les fièvres chaudes.
« Quand les prêtres visitent les
réformés, écrit un curé, ils font les derniers efforts pour les
recevoir hors de lit pour faire voir qu’ils ne sont pas si malades,
jusque là qu’il y en a plusieurs qui meurent debout.
« L’un, dissimulant ses souffrances, dit
au curé qui le presse de se confesser,
il n’est pas encore
temps
, il était mort le lendemain quand le curé revint pour
renouveler ses instances. Un autre, après avoir renvoyé plusieurs
fois le curé en disant
qu’il n’était pas si mal
, à la
question qui lui est posée à l’agonie, s’il veut mourir dans la
religion catholique, répondit
maigrement
, dit un procès
verbal, il n’y en a qu’une, sans vouloir s’expliquer
autrement. »
Souvent l’odieuse persécution qu’ils avaient à
subir à leur lit de mort, de la part du magistrat et du curé, était
pour les huguenots, l’occasion de manifester enfin leurs véritables
sentiments qu’ils avaient dû dissimuler pendant des années.
Le curé de Paimbœuf, tourmentant une convertie
pour l’amener à recevoir les sacrements, eut la cruauté de lui dire
« qu’elle ne se flattât point sur une longue vie, d’autant que
sa maladie était mortelle et
quelle ne pouvait point passer la
nuit
. »
Sur les dix heures du soir, la malade tombe en
agonie et elle dit des paroles injurieuses au prêtre et aux curieux
qui étaient venus avec celui-ci et la tourmentaient encore, à
minuit elle était morte.
À Metz, un maître cordonnier menacé du
lieutenant criminel par le curé ; congédie ainsi son
tourmenteur : « Je vous donne le bonsoir, que Dieu vous
conduise ; vous me rompez la tête depuis une heure et
demie. » Il voulut souffler la chandelle, bientôt après il
expira.
« Madame de la Rochelandière, dit Lambert
de Beauregard, étant tombée malade à Lyon, son hôte avertit le curé
de la paroisse qui ne manqua pas de venir vers elle avec beaucoup
de monde pour la solliciter à se confesser et ensuite à recevoir le
viatique. Mais elle s’en défendit vigoureusement,
quoiqu’elle
commençât bientôt d’agoniser
et qu’elle fût en l’âge de
soixante-quinze ans. On s’avisa même de la tirer du lit et de la
mettre sur une chaise, en lui criant à haute voix qu’il fallait
obéir, et qu’autrement,
on traînerait son corps sur une
claie
,
et qu’on la jetterait aux bêtes
, à quoi elle
répondit que l’on fit ce que l’on voudrait, que même, si on
ne
voulait pas attendre de la traîner qu’elle fut morte
,
que
l’on la traînât toute vivante et que l’on la jetât à la voirie
toute vive
, que, pour cela, elle ne renierait jamais son
sauveur. Tellement, qu’étant morte bientôt après, on ne manqua pas
de la traîner et ensuite de la
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