Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
manifestement un motif politique, ces refus
imprudents ne tardent point à augmenter le nombre des déserteurs du
catholicisme. N’a-t-on pas vu tout récemment, en 1885, un des
catholiques électeurs du catholique département du Finistère,
répondre à son curé qui le menaçait de lui refuser ses Pâques s’il
votait mal :
Eh bien ! je m’en
passerai !
Pour en revenir à la visite
obligatoire
du curé, pour tous les malades, on ne peut
mieux faire ressortir la cruelle iniquité de cette prescription
légale qu’en rappelant l’énormité des peines édictées contre le
malade huguenot, qui refusait de se laisser administrer les
derniers sacrements : « Voulons et nous plaît, dit une
déclaration du roi de 1713, que tous nos sujets, nés de parents qui
ont été de la r. p. r. avant ou depuis la révocation de l’édit de
Nantes, qui, dans leurs maladies auront refusé aux curés, vicaires
ou autres prêtres de recevoir les sacrements de l’Église, et auront
déclaré qu’ils veulent persister et mourir dans la religion
prétendue réformée,
soit qu’ils aient fait abjuration ou
non
, ou que les actes n’en puissent être rapportés, soient
réputés
relaps
et sujets aux peines portées par notre
déclaration du 29 avril 1686. »
Or voici les peines édictées par cette
déclaration, contre les malades relaps : « Au cas que
lesdits malades viennent à recouvrer la santé, voulons que le
procès leur soit fait et parfait par les juges, et qu’ils les
condamnent, à l’égard des hommes,
aux galères perpétuelles avec
confiscation des biens
, et à l’égard des femmes et filles, à
faire amende honorable et à être
enfermées
avec
confiscation de leurs biens
; quant aux malades ayant
fait les mêmes refus et déclarations qui seront morts dans cette
malheureuse disposition, nous ordonnons que le procès sera fait aux
cadavres ou à leur mémoire…, et qu’ils seront
traînés sur la
claie
,
jetés à la voirie
,
et leurs biens
confisqués
. »
Rien n’avait été négligé pour que les malades
ne pussent se soustraire à la terrible visite du curé qui devait si
souvent avoir pour eux les plus funestes conséquences. Non
seulement les baillis, sénéchaux et prévôts devaient prévenir le
curé du lieu dès qu’ils apprenaient qu’un huguenot était malade,
mais encore la même obligation incombait au médecin appelé pour
soigner le malade.
Les prescriptions suivantes dont l’infraction
rendait le médecin passible de trois cents livres d’amende pour la
première fois, d’une suspension de trois mois pour la seconde et de
la déchéance pour la troisième, assuraient l’exécution des
obligations imposées aux médecins par la loi : « Voulons
et nous plaît que tous les médecins de notre royaume soient tenus
dès le second jour qu’ils visiteront les malades attaqués de fièvre
ou autre maladie, qui, par sa nature peut avoir trait à la mort, de
les avertir de se confesser, ou de leur en faire donner avis par
leur famille ; et, en cas que les malades ou leur famille, ne
paraissent pas disposés à suivre cet avis, les médecins seront
tenus
d’en avertir le curé ou le vicaire
de la paroisse
dans laquelle les malades demeurent…
Défendons aux médecins de
les visiter un troisième jour
, s’il ne leur paraît pas un
certificat signé du confesseur desdits malades, qu’ils ont été
confessés, ou du moins qu’il a été appelé pour les voir et qu’il
les a vus, en effet, pour les préparer à recevoir les
sacrements. » Ainsi, le médecin, s’il n’avait pas la preuve
que son malade avait pris soin d’assurer le salut de son âme en
réclamant les sacrements, devait dès le troisième jour
l’abandonner,
le laisser périr sans secours
, sous peine
d’encourir lui-même, soit une grosse amende, soit même, à la
seconde récidive, sous peine de se voir interdire l’exercice de la
médecine !
Les familles, pour se mettre à l’abri de la
visite du curé qui constituait pour le malade une cruelle épreuve,
et, pour elles-mêmes, le danger de la confiscation des biens, se
résignaient souvent à ne pas avoir recours au médecin, précurseur
inévitable du curé. Puis quand le malade, à l’agonie, était sans
connaissance, elles faisaient appeler le curé qui ne pouvait plus
constater un refus de sacrement.
Le gouvernement, pour l’exemple, voulut faire
le procès à la mémoire de quelques huguenots comme
suspects
d’avoir voulu mourir sans
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