Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
surveiller les derniers moments des
malades, petits ou grands, humbles ou illustres. Grâce à cette
coutume
qui représente assez exactement les violences
reprochées à nos pères
,
et comme l’introduction des
dragonnades dans la vie privée
, nous ne pouvons savoir ce qui
s’est passé à la dernière heure de celui (VICTOR HUGO) que vous
prétendez honorer à votre manière. »
De cette insinuation que Victor Hugo eût pu se
convertir, s’il n’eût pas été entouré de sa famille, à
l’affirmation qu’à sa dernière heure il a voulu se convertir, il
n’y a qu’un pas, et ce pas ayant été fait par Le Monde, organe
officiel de la royauté de droit divin, le pieux journal s’est
attiré ce rude démenti de M. Lockroy : « Les drôles
qui dirigent un journal religieux intitulé Le Monde, ont osé
imprimer que Victor Hugo à son lit de mort a demandé un prêtre. Je
n’ai pas besoin de dire qu’ils en ont menti. Voici du reste la
lettre que je reçois à ce sujet du docteur Germain Sée :
« Si vous avez lu Le Monde d’hier, vous y trouverez une
monstruosité, sur le désir qu’aurait manifesté le Maître, de se
confier à un prêtre, et une prétendue déclaration de mon ami
Vulpian ; je vous autorise, au nom de Vulpian, à donner le
plus formel démenti aux paroles qu’on lui avait prêtées à titre de
révélation. »
Il est évident que si, malgré les précautions
prises par la famille pour mettre le mourant à l’abri de toute
tentative suspecte, on a pu tenter d’accréditer la légende du désir
de conversion de Victor Hugo, cette conversion eût passé pour un
fait accompli, si, comme au bon vieux temps, un magistrat
complaisant assisté d’un prêtre catholique, eut pu, lorsque le
maître agonisait, écarter sa famille et interpréter habilement,
soit ses réponses les plus insignifiantes à des questions
captieuses, soit son silence même. Alors Victor Hugo eût été, bon
gré mal gré, tenu pour bien et dûment converti, et l’Église aurait
enterré comme catholique, celui qui avait solennellement déclaré
qu’il déclinait les prières des prêtres.
N’en déplaise à M. Fresneau, ce sont les
odieuses pratiques de l’ancien régime à l’égard des mourants qui
peuvent, à bon droit, être qualifiées d’introduction des
dragonnades dans la vie privée, et c’est manifester le désir du
retour à de telles pratiques, que de s’indigner de ce que les
familles se fassent les gardes du corps de leurs malades, pour leur
permettre de mourir en paix.
Sous la monarchie de droit divin, les
Parlements, s’ils n’avaient point songé à interdire à l’Église
d’administrer les sacrements à ceux qui ne les réclamaient pas, ou
même les refusaient, avaient commis l’erreur de vouloir enjoindre
aux curés, par arrêts, d’administrer les sacrements aux jansénistes
qui les réclamaient. Les pamphlétaires du temps raillaient ainsi
cette erreur juridique : « les Parlements veulent décider
du corps de Jésus-Christ comme d’une question de boues et de
lanternes. »
En 1883, M. Bernard Lavergne, alors qu’il
demandait au garde des sceaux de sévir contre un curé, refusant
d’administrer un mourant parce que celui-ci ne voulait pas
promettre de retirer ses enfants des écoles de l’État pour les
envoyer aux écoles congréganistes, ne tombait pas dans la même
erreur que les anciens Parlements. Il ne demandait pas qu’on
obligeât le curé à administrer ce mourant, mais que l’on infligeât
une peine disciplinaire à ce prêtre,
fonctionnaire salarié par
l’État
, qui abusait de sa situation pour faire tort aux écoles
de l’État.
De même, lorsque dans l’élection sénatoriale
du Finistère, les prêtres ont cherché à influencer le vote des
électeurs en menaçant ceux qui voteraient pour les candidats
républicains, de leur refuser l’absolution et la communion, ils se
sont exposés à être poursuivis, pour violation des prescriptions de
la loi électorale. Mais, presque toujours, le gouvernement
s’abstient de punir disciplinairement ou de faire poursuivre les
prêtres, qui ont abusé de leur situation d’agents d’un service
public, se faisant une arme politique du refus des sacrements. Il
sait que, si l’Église doit être seule maîtresse de déterminer les
conditions qu’elle veut mettre à l’administration des sacrements,
elle use à ses risques et périls de son droit, et que, lorsque ses
refus de sacrements ont
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