Les joyaux de la sorcière
d’Alice avait pris place. On piqua droit vers le centre administratif de Newport où les bureaux du shérif se tenaient non loin de la mairie. Le transport de bagages s’arrêta devant et Pauline à quelques mètres en arrière puis personne ne bougea plus : on attendait.
Ce ne fut pas long. Seulement un petit moment avant que la porte s’ouvre devant Vidal-Pellicorne raccompagné jusqu’au seuil par Dan Morris visiblement mécontent de lâcher son prisonnier. Quant à celui-ci, il n’avait guère bonne mine : les vêtements froissés, pas rasé bien sûr, les traits tirés par manque de sommeil, le cheveu plus en broussaille que jamais, il posait sur toutes choses un regard bleu et vide comme si plus rien ne l’intéressait. Les désillusions devaient peser sur lui plus lourdement que l’arrestation.
Vivement descendus de voiture, Pauline et Aldo s’approchèrent suffisamment pour entendre Dan Morris signifier sa libération à Adalbert et le majordome d’Alice lui demander dans quel hôtel il voulait que ses affaires soient déposées à moins qu’il ne préfère qu’on les porte directement au quai d’embarquement du ferry. L’humiliation supplémentaire infligée à son ami fit bondir Aldo mais d’une poigne vigoureuse, Pauline le fit tenir tranquille tandis que sa voix clamait :
— Chez moi ! Si ces parvenus d’Astor sont assez mesquins pour refuser de reconnaître leurs torts envers un illustre savant gravement offensé par eux, nous autres les Belmont le supplions de bien vouloir honorer notre demeure de sa présence !
Cette entrée en matière un rien théâtrale perça le cocon d’apathie d’Adalbert qui trouva même pour la jeune femme l’ébauche d’un sourire :
— Merci à vous, Madame, mais vous comprendrez sans peine que je n’ai plus qu’une seule envie : m’éloigner le plus tôt possible. Le quai d’embarquement fait tout à fait mon affaire.
— Pas la mienne ! fit Aldo que Pauline masquait jusqu’alors. Tu partiras quand tu voudras mais avec les honneurs de la guerre. Pas ainsi. Pas comme un domestique chassé pour indélicatesse ! Cette garce te doit des excuses !
— Qu’elle les garde ! Cela ne m’intéresse pas !
— Tu n’as pas envie de savoir où est passé le foutu collier de Tout-Ank-Amon ? Je t’ai connu plus curieux…
— Non… Non, tu vois, même ça je n’ai pas envie de le savoir. Peut-être parce que je le sais déjà…
— Ivanov bien sûr ? Il a tenté de me tuer sur l’ Île-de-France parce qu’il me croyait à bord pour recevoir le collier après que tu l’aurais subtilisé…
— C’est pas vrai ?
— Oh si c’est vrai ! Demande à la baronne von Etzenberg ici présente et dont, moi, je te supplie d’accepter l’hospitalité !
— Par pitié, laisse-moi m’en aller ! J’en ai par-dessus la tête de cette histoire ! Pourquoi veux-tu m’obliger à rester ?
Aldo posa une main sur l’épaule de son ami et la serra en le regardant au fond des yeux :
— Parce que moi j’ai besoin de toi ! Et tu ne sais pas à quel point…
CHAPITRE XI
LA FÊTE CHEZ CYNTHIA
Adalbert connaissait trop bien son ami pour douter une seule minute de sa parole dès l’instant où il demandait son aide. Aussi se laissa-t-il conduire à la voiture sans plus protester. Il fut plus difficile de convaincre le serviteur d’Alice d’aller décharger son fourgon à Belmont Castle :
— Je crains fort, déclara-t-il à Pauline, que Madame la princesse et aussi lady Ribblesdale ne me fassent de vifs reproches si je dévie des ordres reçus. La conséquence en pourrait être jusqu’à…
— Jusqu’à vous flanquer à la porte ?… Oui, telles que je les connais elles en sont capables. En ce cas, pourquoi n’entreriez-vous pas à notre service ?
— Ce serait avec joie, Madame la baronne n’en doute pas mais… il y a Beddoes qui pourrait ne pas apprécier et je n’aimerais pas me retrouver sous ses ordres. Et puis il y a aussi… Clémentine, la femme de chambre de Madame la princesse…
— Auprès de qui vous souhaitez rester ? fit Pauline en riant. Je peux le comprendre ! Eh bien, je vais téléphoner audit Beddoes pour qu’il envoie un de nos transports. Dès qu’il sera là vous déchargerez et vous pourrez rentrer à Beaulieu en toute tranquillité et dire de bonne foi que vous avez déposé les bagages de Monsieur Vidal-Pellicorne devant le bureau du shérif ?… Ce qui fera encore plus
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