Les joyaux de la sorcière
possible ?
— Oh que si ! Ses cheveux ne sont plus de ce joli blond suédois que tu aimais tant mais d’un ardent blond vénitien qui ne la change pas au point de la rendre méconnaissable. En outre très à l’aise dans son rôle de fiancée et c’est ce qui m’intrigue. Souhaite-t-elle se ranger en épousant un milliardaire et remiser ainsi sa pince-monseigneur ou bien pense-t-elle réaliser une affaire particulièrement fructueuse en acceptant d’épouser un homme qui n’a rien de séduisant avec peut-être l’idée de filer ensuite avec un magot confortable ? Peut-être même en s’en débarrassant. Elle n’est certainement pas sans avoir eu vent des précédentes unions d’Aloysius Cesare.
— Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans cette histoire de mariage : pourquoi aller jusque-là ?
— Tu veux dire pourquoi épouser ? C’est une question que je me suis posée. Sans parvenir à trouver de réponse mais je pense que tout tourne autour de Bianca Capello puisque Ricci ne convole qu’avec des filles qui lui ressemblent plus ou moins. Avec Hilary c’est plutôt moins, bien qu’elle ait fait en sorte d’approcher au maximum le modèle. Ce qui me fait penser qu’elle en sait peut-être plus que moi sur le sujet. Tu connais l’histoire de Bianca ?
— Pas vraiment.
— Dommage que Lisa ne soit pas avec nous : elle la raconte comme un ange. Avec moi ce sera beaucoup moins passionnant mais on ne peut donner que ce que l’on a.
Il s’exécuta de son mieux. Quand il eut fini Adalbert, songeur, fourrageait à deux mains dans ses cheveux à présent presque secs :
— Aucun doute, tu as raison. Ta Sorcière est le dénominateur commun. La première victime s’appelait Buenaventuri comme le premier époux et notre assassin ou complice de l’assassin Ricci comme le meurtrier dudit mari. Il ne nous manque plus que le fantôme de la dame hantant la réplique du palais Pitti. J’ai une fameuse envie d’aller le voir celui-là…
— On ira cet après-midi si tu veux. Une promenade en bicyclette te requinquera.
— Pourquoi en bicyclette alors qu’il y a un garage plein de voitures ? grogna Adalbert qui détestait se fatiguer quand il pouvait faire autrement.
— C’est un moyen de locomotion très employé dans le coin et il permet de passer inaperçu facilement.
— Mais qui donc souhaite passer inaperçu pendant la Season de Newport ? Plus on se montre plus on est dans le vent.
Le premier coup de cloche annonçant le déjeuner coupa court à la conversation et expédia Adalbert vers sa chambre afin de revêtir une tenue plus adéquate qu’un peignoir de bain. Il fit même des prodiges de rapidité et au second coup, il rejoignait Aldo sur le palier pour descendre avec lui.
Cette fois Pauline n’était pas seule sur la terrasse fleurie de rosiers grimpants sous un vélum de toile rayée bleu et blanc : il y avait là une femme d’une trentaine d’années dont les courts cheveux blonds s’ébouriffaient savamment autour d’un joli visage sans beaucoup de caractère en dehors des sourcils placés assez hauts pour donner à ses yeux bruns un air perpétuellement étonné. On était en présence de l’invisible Cynthia. Vêtue de la rituelle flanelle du tennis – à l’heure du lunch c’était ce que l’on portait le plus souvent avec la tenue de cheval ou celle de golf – elle offrit aux deux hommes tour à tour une main un peu trop bien manucurée pour une sportive accompagnée d’une bienvenue assez conventionnelle en ce sens que le titre princier d’Aldo lui arracha un sourire plus étincelant que celui généré par les diplômes universitaires d’Adalbert. Il s’épanouit cependant davantage en apprenant que celui-ci avait cessé d’orner les salons d’Alice Astor pour se joindre aux illustrations de Belmont Castle. Cynthia exécrait sa voisine et n’en faisait pas mystère.
On se mit à table sans attendre John-Augustus qui naturellement était en retard et tout de suite la conversation s’engagea sur le bal que l’on donnait la semaine suivante et qui était la grande affaire pour Cynthia. C’est dire qu’elle se réduisit à une sorte de monologue, coupé de temps en temps par une réflexion de Pauline et qui ne prit fin qu’avec l’apparition à peine confuse de son époux. Juste le temps pour John-Augustus de souhaiter à Vidal-Pellicorne une chaleureuse bienvenue et il embrayait sur les mérites exceptionnels de son
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